Comprenons la honte.
Par Christelle Moreau, mercredi 25 avril 2007
Cherchons ensemble à comprendre ce que signale ce sentiment à la fois, si pur et si désagréable qu'est la honte.
Quels sont ses mécanismes sexuels ?
Quels sont ses mécanismes culturels et sociaux ?
Quels sont les traits qui le distinguent de la pudeur, de l'importance à laquelle nous attachons nos valeurs, de notre sens de l'honneur, de notre timidité ou de nos peurs, quelle est la force de la honte dans l'inhibition, à quel point nous enferme t-elle et enfin quelle est son rapport avec la mort.
Remontons donc aux sources de la honte...
Par exemple : la rougeur, comme si le fait d'avoir honte n'était pas encore assez pénible pour qu'il faille en plus le dévoiler au grand jour. Une étude menée par Darwin dans le livre L'expression des émotions chez l'homme et les animaux démontre que ce qui est essentiel, c'est la conscience que nous avons de notre corps regardé par autrui. En d'autres termes, le regard de l'autre dans cette rougeur subite est primordial, il nous apporte une valeur ajoutée, celle de nous faire comprendre des autres. Cette conscience démontre au regard étranger, qu'il ne nous est pas futile et renforce ainsi, en montrant combien celui-ci peut nous affecter, son importance même. De plus, il démontre, par notre vulnérabilité, notre similitude et notre position de respect. « Nous sommes donc pareils », dit le corps, « et je te respecte ! » La rougeur due à la honte est, à elle seule, totalement complète puisqu'elle dévoile, par son paradoxe, le secret qu'elle trahit en le mettant au grand jour.
Bien sur, la honte peut être vécue différemment. Au travers de codes bafoués, de codes sociaux mais aussi de codes d'honneur en vigueur valables dans toutes les sociétés impliquant un versant intime, souvent en lien avec la sexualité et la culpabilité d'une faute intériorisée.
Faute de conscience, défaut de valeurs impliquées, Adam et Eve en sont les précurseurs. Notre culture a fait le reste.... Honte de la sexualité, honte de la pauvreté, honte de soi par rapport aux autres. Toutes hontes exigent, par leur mal-être, l'ombre et la dissimulation de leur géniteur. Afin de l'éradiquer, une seule chose à faire : l'extirper de soi. La honte n'est-elle pas la représentation de l'antagonisme entre le Ça et le Surmoi ?
En psychanalyse, les études sur la honte ont souvent été liées au refoulement de la sexualité infantile, et impliquant une donnée "humanisante" en ce qu'elle inhibe et modèle la pulsion sexuelle.
A mon humble avis, elle est aussi le renvoi négatif en l'atteinte de l'amour-propre et narcissique du sujet, puisque brutalement démasqué par le regard anéantissant de l'autre, qui l'arrache à ses préceptes et ses créations intérieures d'ego souvent mal dimensionné, le démasque... Ce serait donc, en mon étude, une façon de s'alerter soi-même sur la potentielle fragilité, sur quoi repose notre identité, nos valeurs, nos mots. Elle serait une manifestation de la reconnaissance de ses fautes et de la volonté de les réparer en se réformant.
Bien sur, avant la honte, la culpabilité peut prendre le dessus. Elle a le pouvoir, à elle seule d'interagir avant et après l'acte. Même pour une faute qui n’a pas encore été commise, mais qui est désirée : l'auto-flagellation en quelque sorte. Ceci démontre, dans la plupart des cas, un désaccord métaphysique avec soi-même, sous son propre regard, «comme un autre pourrait juger», bref, ce que l'on pourrait appeler plus communément le libre-arbitre. Christelle Moreau
Psychothérapeute, psychanalyste
Formatrice en Management et communication
Intervenante à l'Université,
Maison de Santé 7 rue Alfred Mortier 06000 Nice
06 41 18 52 56
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