Hermano — 27-06-2010 01:00

Bonjour,
un bouquin tout récent :
"Les Salons du docteur G", de François Martinez (chez L'Harmattan).C'est un roman mais on sent bien que celui qui l'a écrit sait de quoi il parle ou, à tout le moins, est très bien renseigné. Pour le coup, il ne s'agit pas de dénoncer ou chanter les louanges de la psychanalyse. Car le fameux docteur G, s'il a une attitude très ambigue envers ses patients, n'est pas pour autant un incompétent notoire, puisqu'il s'échine à chercher ce que Alex, le personnage principal, lui cache. Or, bien entendu, Alex veut bien parer de tout sauf de "ça" (en l'occurence, le deuil de son père).

L'intérêt est que l'auteur se met réellement dans la peau du patient et tente de faire sentir comment celui-ci peut vivre sa situation de dépression, son "affrontement" avec la psychanalyse, avec la société en général (sur laquelle le fait de se retrouver en marge donne paradoxalement des éclairs de lucidité), mais aussi avec certaines personnes qui gravitent autour de la psychanalyse et s'en nourrissent en la dénonçant (ici, le personnage est celui d'un ancien séminariste et ancien patient du docteur G qui créé une espèce de confrérie ressemblent fort aux prémices d'une secte).

J'aime assez le côté relativement direct du bouquin (François Martinez a publié auparavant deux pièces de théâtre, d'où une certaine concision), qui va à l'essentiel et nous évite la psychologie de comptoir. En même temps, la forme rejoint bien le fond, avec une sorte de cercle infernal qui mène Alex des salons du docteur G (où celui-ci ne consulte que la nuit... L'ouvrage n'est pas dénué de symbolismes par moments) aux rues de Paris où il déambule sans fin jusqu'à retourner vers ces salons peuplés de drôles de fantômes.

Il n'y a pas de jugement. Et il y a un côté assez poignant dans ce personnage qui ne peut que constater son état de perdition et fait preuve d'une certaine lucidité sur sa propre incapacité à se relever, sur le fait qu'il bâtit lui aussi, en un sens, les murs qui l'enferment. Bref, un sujet pas forcément "glamour", qui ne sera pas le thriller de l'été mais, pour ceux que le sujet intéresse (où qui aiment les bons bouquins, tout simplement), vous pouvez y jeter un oeil, voire les deux :
http://annu-art.perso.neuf.fr/salons-du-docteur-g.htm

Ci-dessous, l'extrait qui figure sur le site de l'auteur :

a écrit:

Je ne fus pas long à comprendre que le docteur G, semblable à toutes les idoles, avait à la fois ses adorateurs et ses détracteurs acharnés. Dieu pour les uns, il était simple charlatan pour les autres.
« Savez-vous que certains patients n’hésitent pas à prendre l’avion pour venir le consulter ? », m’apprit, une nuit où je me trouvais dans le salon D, une laudatrice aux yeux mouillés. « Non, je ne le savais pas », répondis-je. Je la regardai ; elle avait des yeux verts emplis d’admiration, et elle tricotait. Puis je regardai autour de moi : le teint blafard, le regard fixe ou les yeux  fermés, tous les autres patients dormaient. Certains espéraient le salut. D’autres n’attendaient déjà plus rien. À l’étage, quelqu’un pleurait. Ailleurs, une femme criait. La vie, dans toute sa souffrance, était là. Je pouvais la toucher de la main.
Le petit jour humide qui se levait sur Paris ne se doutait pas des plaies ouvertes et provisoirement refermées, des cris qu’on étouffe, des pensées qu’on efface, de la chair furieuse et de la chair morte, et des brasiers éteints, qui, toute la nuit, avaient essayé de se rallumer en vain dans les salons du docteur G.