Christelle Moreau — 16-04-2010 10:38

A lire :

http://www.lemonde.fr/livres/article/20 … _3260.html

http://www.lexpress.fr/actualite/scienc … 84675.html

...

Christelle Moreau — 20-04-2010 14:42

la réponse de Roland Gori

Jeux de cirque

Les français manquent cruellement d’espoir, de confiance dans l’avenir et craignent pour le pain quotidien de leurs enfants. Selon certaines enquêtes un français sur deux craint de se retrouver SDF, plus de deux français sur trois pensent que l’avenir de leurs enfants sera pire que le leur. C’est une crise dans le ciel de la démocratie qui tel le nuage de l’éruption volcanique obscurcit l’horizon de nos contemporains. Jaurès n’a cessé de nous mettre en garde : le pire pour une démocratie, c’est son manque de confiance en elle-même. Mais à défaut de pain, notre « société du spectacle », friande, avide d’émotions collectives marchandises, nous offre des jeux de cirque, des combats de gladiateurs bien saignants, une sorte de télé-réalité tel aujourd’hui le « déniaisage » de Michel Onfray par Le livre noir de la psychanalyse, ce pot-pourri de textes hétéroclites qui nous invitait il y a cinq ans à « vivre, penser et aller mieux sans Freud ». Quel programme !
J’avoue pour ma part avoir d’autres œuvres littéraires comme sources de fantasmes érotiques. Mais à chacun les siennes. A chacun son auteur aussi, dès lors que son œuvre tombe dans le domaine public sans que pour autant il ne doive être nécessairement traîné dans la boue. Le Kant de Michel Onfray n’est pas le mien, pas davantage que son Nietzsche. Et encore moins son Freud. Chacun a l’auteur qu’il mérite, comme aurait pu dire Mme de Staël.
Le problème est pour moi dans cette affaire le « tapage médiatique » dont elle fait l’objet par la promotion d’un brûlot d’un auteur récemment « déniaisé » de la séduction freudienne. Cette mise en scène médiatique vient enfumer le paysage philosophique et culturel des débats d’idées, des exigences sociales et des priorités politiques que pourtant la situation actuelle exige. Beaucoup de bruit pour rien…, voilà qui est important. Important en tant que symptôme de notre civilisation. Important comme révélateur de cette réification des consciences propre à nos sociétés dans lesquelles la forme marchande est la seule forme qui détienne une valeur, fixée par un prix, pour pouvoir exercer une influence décisive sur toutes les manifestations de la vie sociale et culturelle. Or que valent les propos de Michel Onfray sur Kant ou sur Freud en dehors de l’audimat que ses éditeurs suscitent et que sa posture médiatique produit ? N’est-ce pas d’ailleurs au nom du « chiffre de ventes » de ses ouvrages que le Président Sarkozy l’avait sollicité pour débattre au moment de la campagne présidentielle.
Le problème du fétichisme de la marchandise et de son spectacle est un problème spécifique du capitalisme moderne et de la société qu’il formate. Cette universalité de la forme marchande et de la société du spectacle est présente de pied en cap dans la structure et la fonction de la mise en scène médiatique et promotionnelle du livre d’Onfray. La « dislocation » de l’œuvre freudienne et de la figure de Freud ne saurait être  culturellement efficace hors les effets de cette promotion marchande et spectaculaire. Rien de neuf ne s’y trouverait qui n’ait déjà été dit. De quelle pratique thérapeutique pourrait s’autoriser Michel Onfray pour juger de l’efficacité de la méthode psychanalytique ? De quels travaux d’exégèse historique pourrait-il s’autoriser, si ce n’est de ceux qui ont barboté dans le marigot du Livre noir ou dans les mensonges freudiens de Benesteau ? L’efficacité de cette dislocation ne saurait donc procéder que de l’objectivation marchande dont un auteur comme Georg Lukacs naguère nous avait appris qu’elle s’accompagnait presque toujours d’une « subjectivité » aussi « fantomatique » que la réalité à laquelle elle prétend. Tel est le mythe freudien propre à un auteur « déniaisé » par « ces mages noirs qui rêvent d’enterrer la psychanalyse  ».
La vérité n’a plus chez Onfray le statut de « cohue grouillante de métaphores » que Nietzsche nous invite à dénicher dans chacune de nos théorisations, mais le principe moral et transcendantal, au nom duquel il « déboulonne » et répudie les premiers émois de sa pensée adolescente par le truchement de la figure de Freud.  C’est ici le spectacle d’une pensée réifiée dont le savoir est « mis hors d’état de comprendre la naissance et la disparition, le caractère social de sa propre matière, comme aussi le caractère social des prises de position possibles à son égard et à l’égard de son propre système de formes.  »
Un dernier point. A lire "la réponse de Michel Onfray" à Elisabeth Roudinesco suite à l'analyse critique du livre, on ne peut que constater que le niveau est tombé très bas, très bas au-dessous de la ceinture. Quand je dis au-dessous de la ceinture, je n’évoque en rien cette sexualité que Freud élève à la dignité d'un concept à partir d'une méthode, sexualité qu'il inscrit dans la généalogie de l'éros platonicien ; je parle tout simplement du sexe et de ses positions que les propos graveleux des hommes convoquent à la fin des agapes, dans les coulisses des matchs sportifs ou dans l'excitation des salles de garde.
Si on veut bien après Freud, considérer que les commentaires d'un rêve appartiennent au texte même du rêve, on mesure dès à présent le niveau de réflexion philosophique de l'ouvrage de Michel Onfray qu’une stratégie éditoriale réussie a porté à l’avant scène médiatique.
Si l'on devait mesurer la valeur de la réflexion intellectuelle et philosophique d'une société à la stature des concepts qu'elle construit et aux commentaires critiques des œuvres qui l'ont précédée, on pourrait légitimement s'inquiéter de la dégradation intellectuelle de la nôtre.
Roland Gori
Le 18 avril 2010

Thalie — 27-04-2010 15:38

... Toujours de Roland Gori :

"La psychanalyse heurte la culture du moment"
Par Gilbert Charles, publié le 26/04/2010 à 10:00


La bataille fait rage dans le monde des psys après la publication du dernier livre de Michel Onfray, brillant brûlot contre Freud. Le psychanalyste Roland Gori réplique en dénonçant une vision réductrice de la santé mentale.

"Sigmund Freud était un mégalomane lubrique qui couchait avec sa belle-soeur. Il n'y a que la gloire et la richesse qui l'intéressaient. Sa théorie de l'inconscient n'est pas une science et ne soigne que par effet placebo". Cinq ans après la parution controversée du Livre noir de la psychanalyse (les Arènes), qui tirait à boulets rouges sur la théorie de l'inconscient et sur son inventeur, le philosophe Michel Onfray s'emploie, lui aussi, à saper la figure du fameux médecin viennois dans son dernier livre, Le Crépuscule d'une idole. L'affabulation freudienne (Grasset). Pourquoi un tel acharnement ? Ces attaques sont-elles justifiées ? Politique et engagé, le psychanalyste Roland Gori, professeur de psychopathologie à l'université d'Aix-Marseille, apporte un contrepoint original à la polémique.


"Si la psychanalyse est une imposture, comment expliquer le succès de Freud et du freudisme depuis un siècle ?", demande Michel Onfray. Pouvez-vous lui apporter une réponse ?

Les critiques contre Freud, sa vie personnelle, les supposées impostures de sa théorie n'ont jamais cessé depuis un siècle. A quelques variations près, ce sont toujours les mêmes, que l'on peut résumer en une phrase : ce qui était nouveau dans son oeuvre n'est pas vrai, et ce qui est vrai n'est pas nouveau. J'ai retrouvé un livre, Freud a menti, paru en 1968, d'un certain Jean Gautier, médecin admirateur de l'eugéniste Alexis Carrel. Ce texte exposait les mêmes arguments que ceux développés dans Le Livre noir et le brûlot d'Onfray, mais il est passé à l'époque pratiquement inaperçu.

Contrairement à votre auteur oublié, les contempteurs actuels de Freud, eux, rencontrent un écho dans l'opinion...

Parce que les valeurs que porte la psychanalyse viennent heurter celles diffusées par la culture du moment, marquée par une transformation profonde de la conception de l'homme et de la maladie mentale. Le Livre noir était une sorte de pot-pourri d'auteurs favorables aux thérapies comportementalistes, qui essayaient d'exorciser le pouvoir de la psychanalyse dans la culture et dans la formation universitaire des psychiatres et des psychologues. Il s'agissait pour eux d'accroître leur part de marché. Pour Onfray, il s'agit de déboulonner la statue de Freud, de biffer un des noms des pères de la culture européenne. Je crois que ces attaques s'inscrivent dans une société qui ne veut plus entendre parler de l'"homme tragique", l'individu en prise avec son angoisse, sa culpabilité, ses désirs, ses conflits. Les critiques à l'encontre de la psychanalyse surfent sur cette vague de fond idéologique qui privilégie les comportements sur l'histoire du sujet, et sur l'intériorité.

L'exécution symbolique du père de la psychanalyse ne serait qu'un symptôme ?

La médecine, la psychiatrie, la psychologie ne sont pas seulement des savoirs, mais aussi des pratiques sociales, qui participent au gouvernement des individus et des populations. La psychanalyse, comme une certaine psychiatrie humaniste, estime qu'il faut tenir compte de l'affect, du relationnel, de la personnalité. Pendant très longtemps, cette culture du souci de soi était en accord avec certains présupposés du capitalisme traditionnel "humaniste", qui a régné pendant une bonne partie du XXe siècle, jusqu'aux années 1980. Opposé au taylorisme, celui-ci considérait que l'épanouissement personnel et psychique de l'individu participait à l'amélioration de la productivité. Aujourd'hui, cet aspect humain est balayé : on ne parie plus sur le sujet, mais sur ses actes. Tous les rouages de l'économie libérale reposent sur l'idée que le comportement humain est rationnel et qu'il est possible de prédire les actions des individus en fonction des intérêts qu'ils y trouvent. L'humain est devenu un simple segment technique de la production. L'Etat mandate les professionnels - psychologues, psychiatres, mais aussi enseignants, juges, policiers et journalistes - pour amener les individus et les populations à intérioriser ces valeurs néolibérales.

Les progrès fulgurants réalisés ces dernières années par les neurosciences, la génétique et la biologie ne rendent-ils pas la psychanalyse obsolète ?

On la réfute aujourd'hui parce qu'elle s'opposerait aux forces du progrès, mais c'est oublier qu'elle s'est inscrite au départ dans un projet scientiste. Contrairement à une idée répandue, même chez certains psychanalystes, Freud n'a pas construit sa théorie à contre-courant de la science et des valeurs de son époque. A la fin du XIXe siècle, la pensée rationaliste domine : on découvre la localisation des aires cérébrales et les agents infectieux ; la médecine expérimentale est à son apogée avec Pasteur et Claude Bernard, les savants caressent l'idée qu'il est possible d'administrer techniquement et scientifiquement le vivant. C'est un médecin, lui-même adepte d'un positivisme pur et dur, tourné vers la neurologie et les sciences naturelles, qui découvre que la raison est minée de l'intérieur par des forces obscures, par l'inconscient et les affects. Et que la prétention à gouverner l'humain par la rationalité conduit à une impasse. Il conçoit une méthode où le savoir n'est plus seulement détenu par l'expert : c'est le malade lui-même qui possède un savoir que le thérapeute va aider à déchiffrer. La psychanalyse fait partie de cet héritage qui pose que l'humanité de l'homme n'est pas située uniquement dans la raison.

Selon vous, cette conception n'est pas seulement mise à mal par l'économie libérale : elle se retrouverait aussi en porte à faux par rapport à une nouvelle conception de la santé mentale...

En effet. La psychiatrie comportementaliste et biologique ne s'intéresse plus à la souffrance du sujet, elle repère les anomalies de comportement. La question n'est plus de savoir ce qui a pu pousser quelqu'un à sombrer dans l'obsession, la dépression, la folie, mais "comment on peut supprimer le symptôme le plus rapidement possible". Les pathologies ne se définissent plus par la souffrance du patient, mais comme des dysfonctionnements neurocognitifs entraînant une altération des comportements. Le discours psychanalytique dérange, parce qu'il s'oppose à ce formatage comportemental et aux valeurs dominantes d'une société où tout doit être prévisible, programmé, dirigé. Tout comme sa pratique, qui s'inscrit dans la longue durée, entre en contradiction avec la culture de l'instant et du profit à court terme. Les attaques dont la psychanalyse fait l'objet une fois de plus montrent qu'elle est plus vivante, plus actuelle et plus nécessaire que jamais pour résister à cette société du spectacle et de la marchandise.

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J'ai envie de dire, "Merci Roland !"

Christelle-Moreau PSY — 20-05-2010 14:01

La réponse de Serge Tisseron publiée surle monde.fr
Au-delà de son aspect polémique, le livre de Michel Onfray soulève plusieurs problèmes dont il convient de ne pas lui laisser la primeur. Il serait catastrophique de laisser présenter les concepts freudiens comme une sorte d'Evangile auquel les psychanalystes seraient invités à croire sans pouvoir en contester la validité, et la psychanalyse comme une citadelle de certitudes qui ne pourrait être remise en cause que par un esprit libre l'abordant de l'extérieur. Bien entendu, Michel Onfray a tout intérêt à le faire croire car cela donne à son combat des allures de petit David défiant le géant Goliath ! Mais rappelons que certains psychanalystes n'ont pas attendu Onfray pour ouvrir le débat d'une critique fondamentale de la théorie freudienne.
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Déjà, Sandor Ferenczi, compagnon de route de Freud, lui reprochait de s'être écarté de l'idée première de traumatisme personnel et d'y avoir préféré l'analyse des fantasmes, le complexe d'Œdipe, la castration et l'envie du pénis, toute chose qui lui paraissaient de moindre intérêt.

Plus près de nous, Jeffrey Moussaieff Masson (Le Réel escamoté, 1984) a mis en rapport la construction de la théorie œdipienne avec la crainte de Freud de se trouver marginalisé en prenant la défense des victimes qu'il recevait dans son cabinet. Selon cette théorie, les assauts sexuels que les patientes racontent avoir subis dans leur enfance sont des fantasmes. "Les thérapeutes pouvaient rester ainsi du côté des vainqueurs et des puissants plutôt que de celui des victimes misérables de la violence familiale", écrit Masson.

L'historienne Marianne Krüll (Sigmund, fils de Jacob, 1979) s'est quant à elle intéressée au rôle des non-dits familiaux dans la famille du petit Sigmund. Que signifient pour un enfant d'être interdit par ses parents de réfléchir sur ce qu'ils étaient, sur leur passé, leurs inhibitions, leurs transgressions ? La réponse de Krüll est  sans appel : on devient comme eux, on reproduit les mêmes comportements interdicteurs dans nos rapports avec les autres. Ainsi Freud exerça-t-il le rôle inhibiteur – il n'est pas excessif de dire castrateur – de son propre père vis-à-vis de ses disciples.

Ce qui faisait dire au psychanalyste Nicolas Abraham, comparant le fondateur de la psychanalyse à Attila : "Là où Freud passe, l'herbe ne repousse plus." Marianne Krüll arrive à la conclusion que Freud a construit un pan entier de sa théorie pour masquer des questions douloureuses qui touchaient au tabou de son propre père : parmi ces éléments de théorie, il y aurait le mythe du meurtre du père primitif, et en fin de compte, toute la théorie œdipienne avec les nombreux concepts et les élaborations qu'elle fonde.

Elle rejoint les travaux de Marie Balmary (L'Homme aux statues : la faute cachée du père, 1979) qui considère le complexe d'Œdipe comme une défense que Freud édifia pour se protéger contre l'angoisse que suscita en lui sa première découverte, celle des fautes sexuelles des pères.

Une étape récente a consisté dans l'ouvrage Questions à Freud, de Nicholas Rand et Maria Torok, que j'ai publié en 1995. Pour ces auteurs, plusieurs des "grandes découvertes" freudiennes sont en réalité un mur que leur auteur a érigé pour tenter de se masquer l'étendue d'un drame familial occulté autour d'un trafic de faux roubles. Ils placent parmi ces constructions le complexe d'Œdipe, la prépondérance donnée aux fantasmes sur la réalité, la tentation d'établir un catalogue symbolique des objets présents dans les rêves, et l'envie du pénis chez la femme. Est-ce un hasard s'il s'agit des principaux domaines que Michel Onfray se targue d'être le premier à dénoncer ?

Mais là où celui-ci conclut que Freud aurait abusivement généralisé les données contingentes de sa névrose personnelle dans une réflexion pseudo-scientifique et que ses prétendues découvertes ne concerneraient que lui, les auteurs que nous venons de citer prennent un autre parti. Pour eux, la théorisation freudienne serait partagée entre des découvertes authentiquement scientifiques et des affabulations défensives élevées abusivement au rang de concepts. Et ils concluent qu'une remise à plat de l'ensemble de la psychanalyse s'impose, pour séparer les idées freudiennes dont la valeur scientifique peut être établie de celles qui sont le reflet des petits arrangements du fondateur avec sa névrose.

Alors, une question se pose : pourquoi ces appels, émanant de défenseurs de la psychanalyse et appelant à repenser de fond en comble le projet même de celle-ci, n'ont-ils pas ébranlé le paysage comme le fait le livre d'Onfray ? Parce que la partie se joue à trois et non à deux : les travaux critiques, les institutions psychanalytiques peu enclines à les relayer (sur leur immobilisme, Onfray a malheureusement raison) et les médias.

Or ceux-ci ont changé : ceux des années 2010 semblent plutôt se réjouir de voir le freudisme contesté alors que ceux des années 1990 étaient tentés de le défendre quoi qu'il arrive. Autre élément, la formidable machine de guerre que les éditions Grasset ont mobilisée pour l'occasion. Mais on ne peut pas exclure non plus la responsabilité des psychanalystes eux-mêmes. Plus la psychanalyse est attaquée et plus nombre d'entre eux sont tentés de s'enfermer dans leur pré carré et de se draper dans leurs certitudes. Du coup, ils abandonnent malheureusement le champ de la critique freudienne à ceux qui refusent à la psychanalyse son caractère de voie d'accès unique à l'esprit humain et à ses réalisations. Alors, répétons-le : oui, la théorisation de Freud a subi le contrecoup de sa névrose et plusieurs concepts en sont directement le produit. Mais cela n'annule pas pour autant la portée d'autres de ses découvertes. Ce sont ces deux messages qu'il faut maintenir en même temps. Cette position est certes inconfortable, mais il n'y a de progrès possible qu'à ce prix. Tout le reste est démagogie.

Serge Tisseron est psychiatre et psychanalyste.

georgesN — 20-05-2010 23:57

voilà une sans doute un des plus sérieuses réfutations du brulôt d'Onfray. A lire à tête reposée!http://www.pausesante.fr/article-debat-168-l-affabulation-antifreudienne-la-haine-de-l-inconscient.ph

Capitaine Flamme — 02-02-2011 16:23

Madame Roudinesco,

Avec tout le respect que je vous dois en tant que confrère, je me propose de vous démontrer, en sept points clairs et précis, pourquoi votre analyse de l'histoire et de la rumeur sur Sigmund Freud n'est véritablement pas sérieuse :

1. Lorsque l'on prétend effectuer une conférence (à Caen) sur l'histoire de Sigmund Freud, on se munit au minimum des copies (sinon des originaux) des textes historiques dont l'analyse est l'objet, voire des autres objets matériels et historiques qui sont liés à l'objet de l'analyse. Mieux : on fournit des copies des textes historiques à l'assistance. Enfin on se réfère au(x) texte(s) et à leur(s) auteur(s) à chacun des arguments qu'on avance, de façon à ce que l'assistance puisse se faire sa propre opinion.

2. "Freud a dit, Freud pensait, Freud voulait, Freud a fait, Freud a ...". Oui d'accord Madame Roudinesco, mais référez vous à mon point n°1 s'il vous plaît. Vous affirmez donc un nombre vertigineux de vérités (selon vous) sur Sigmund Freud, ses convictions, ses pensées, ses actes, et que sais je d'autre. Mais dans cette conférence vous ne vous référez jamais - et je dis bien JAMAIS - à un texte, un auteur, un chapitre, un paragraphe. Pardonnez moi, mais pour quelqu'un qui se prétend apte et qualifié à analyser l'histoire (de Sigmund Freud en l'occurrence), je trouve cette absence totale de références, dans votre discours, pour le moins ridicule sinon pitoyable.

3. "Brulot, pamphlet, brulot, pamphlet, brulot, pamphlet" ... Vous devriez changer de pivot rhétorique Madame Roudinesco. En effet cette comparaison que vous exposez comme un argument n'apparaît pas comme convaincante une seule seconde à une intelligence un tant soit peu développée.

4. Monsieur Onfray s'appuie sur des textes précis d'auteurs qu'il cite avec une exacte précision et précède TOUJOURS le moindre de ses argument par la locution: "Si ce que l'auteur a écrit dans ce texte est vrai, alors ...". Ce que vous ne faite JAMAIS.

5. Vous et vos collègues orateurs êtes sans doute très qualifiés dans le domaine que je vous autoriseraient à appeler la "science" psychanalytique. Cependant, sur la base de ce que j'ai entendu dans cette conférence de Caen et de ce que j'ai lu de Madame Roudinesco et de ces personnes ("Pourquoi tant de haine ?" inclus), vous êtes, de mon point de vue, extrêmement médiocres dans le domaine de l'analyse historique. Quoiqu'il en soit, cette analyse dite historique (livre + la conférence de Caen) est infiniment plus médiocre, que ce que j'ai lu et entendu de Monsieur Onfray sur Sigmund Freud.

6. La métapsychologie imaginée - et j'insiste sur ce mot - par Sigmund Freud est loin d'être la seule envisageable, tout psychanalyste sérieux, dont je fais parti, le sait. Pour ma part, je considère la métapsychologie freudienne comme erronée, mais j'admets la possibilité que je me trompe dans ce jugement quelque peu arbitraire, et me réfère souvent à des travaux que vous qualifieriez de freudiens (y compris vos travaux, Madame Roudinesco). Néanmoins je pense qu'il serait très bon que toutes les instituions d'enseignement de la psychanalyse exposent la possibilité d'une erreur fondamentale de Sigmund Freud, lorsqu'elles abordent le sujet de la métapsychologie imaginée par le dit Sigmund Freud.

7. Enfin, pardonnez moi ce sarcasme rhétorique, mais "Pourquoi tant de haine ?" est un titre qui aurait pu être choisi par le personnage de dessin animé Caliméro, et qui par là même ne vous sert franchement pas dans votre objectif "d'attaque d'un brulot" que vous revendiquez comme objectif de vérité historique. "De la connaissance historique sur Sigmund Freud" aurait sans doute été bien plus pertinent comme titre. Mille fois plus pertinent que "Pourquoi tant de haine ?".

Pour conclure, je trouve très triste que le cercle rassemblé autour de vous, Madame Roudinesco, dans votre "combat contre le brulot" de Monsieur Onfray soit toujours aussi grand. Cela ne fait franchement pas honneur à notre discipline, à savoir : la psychanalyse.

En vous priant d'agréer, Madame Roudinesco, mes salutations les plus sincères.

P.S : je vous serait infiniment reconnaissant, à vous et votre cercle, de cesser de jouer parfois - et je pense volontairement - de la confusion entre psychologie, méta psychologie, psychiatrie, et psychanalyse.

Capitaine Flamme, Amiral du vaisseau Brulot