Le narcissisme, quelques définitions

En 1914, dans son travail intitulé « Pour introduire le Narcissisme », Freud a explicité la notion de narcissisme primaire. On ne peut la comprendre qu’en se référant à l’hypothèse de l’union totale du nouveau né avec sa mère. Celle-ci l’empêche de sentir ses besoins, qu’il serait totalement impuissant à satisfaire. Il y a indifférenciation entre le Moi et le non Moi qui amène l’enfant à investir toutes ses énergies sur lui même. C’est dans ces conditions qu’il va pouvoir développer son narcissisme primaire. Il me semble possible de rapprocher cette situation de la naissance du Self, telle que Winnicott l’a décrite : une sorte de conscience de la continuité de l’expérience vécue sur le plan somatique et psychique.
Si le concept de narcissisme primaire est compris comme « un état précoce où l’enfant investit toute sa libido sur lui-même »,1 le narcissisme secondaire serait l’intériorisation de la relation avec la mère. Il représenterait l’amour de la mère introjecté par l’enfant, qui, une fois séparé d’elle, s’aimera tel qu’elle l’a aimé, c’est à dire qu’il ne pourra s’aimer que comme il aura été aimé. La libido est retirée à l’objet pour être retournée sur le Moi.

Le narcissisme est souvent appréhendé dans une conception péjorative d’égocentrisme, d’amour de soi, d’investissement de soi au détriment de l’investissement d’objet qui, lui, apparaît comme idéal. Il est d’ailleurs le plus souvent considéré dans une approche psychopathologique. Les manifestations de la personnalité narcissique dans le DSM 4 sont, à mon sens, très connotées moralement et je les trouve dérangeantes car elles ignorent la souffrance sous jacente des troubles narcissiques :

  • Sens grandiose de sa propre importance ou de son caractère exceptionnel...
    • Préoccupation pour des fantaisies de succès, de pouvoir, de beauté, d’amour idéal
    • Pense être « spécial » et unique
    • Besoin excessif d’être admiré
    • Pense que tout lui est dû, s’attend sans raison à bénéficier d’un traitement
    • particulièrement favorable et à ce que ses désirs soient satisfaits
    • Exploite l’autre dans les relations interpersonnelles, l’utilise pour parvenir à ses fins
    • Manque d’empathie, n’est pas disposé à reconnaître ou à partager les sentiments et les
    • besoins d’autrui
    • Envie souvent les autres et croit que les autres l’envient
    • Fait preuve d’attitudes et de comportements arrogants et hautains


    Le DSM 4 décrit surtout le narcissique de type grandiose mais laisse de côté des présentations plus nuancées de ce trouble, des personnalités aux prises avec des sentiments d’infériorité, d’hypersensibilité, souffrant d’une vulnérabilité narcissique diffuse, qui ont été blessées précocement dans leur estime de soi et que l’on retrouve si souvent dans nos cabinets de psychothérapie.
    Genèse des troubles narcissiques

    La personnalité de l’enfant se développe dans la relation à l’autre, en particulier à la mère. C’est au cœur de cette relation, dans sa dynamique propre, que certains auteurs ont rencontré des éléments de compréhension de cette problématique : « Parce qu’il a perdu le paradis intra utérin selon B. Grumberger, qu’il n’a pu vivre ses propres sentiments et rencontrer son vrai soi selon A. Miller. Pour M. Mahler, il a été empêché dans le processus de séparation individuation par pénalisation de la séparation et récompense de la régression*. Bergeret parle de faiblesse du Moi et d’immaturité, le sentiment de vide est difficile à combler, la relation d’objet est de type anaclitique, l’autre fonctionne comme un auxiliaire du Moi et aide à tenir à distance la position dépressive. Neuman comprend le développement des troubles narcissiques comme une formation réactionnelle à l’abandon de l’enfant par sa mère, que l’abandon soit réel ou que l’enfant soit émotionnellement abandonné par une mère qui ne supporte pas que celui-ci se sépare d’elle et s’épanouisse sans elle » (D. Lismonde, 1991). Kohut parle de « la mère sourde » prise elle même dans sa dépression et incapable de se réjouir de son enfant. Dans tous les cas, le parent détient la maîtrise de la relation et en construit le cadre. On est dans une relation dominant/dominé, un climat relationnel où il n’y a pas de place pour deux êtres différenciés.

    *Laplanche – Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, 1967

    L’enfant a une étonnante aptitude à sentir les besoins de sa mère et à y répondre. Pour ne pas risquer de perdre son amour, il va refouler ses émotions et ses sentiments. Ses besoins à lui ne pourront pas être intégrés. L’adaptation aux besoins parentaux conduit au développement de ce que Winnicott appelle le faux self. L’enfant est sommé d’être conforme, et de se conduire de manière à ne montrer que ce qu’on attend de lui. Son vrai self ne peut pas se développer ni se différencier, d’où un sentiment de vide. Il ne peut construire son sentiment de sécurité intérieure, ni se fier à ses propres ressentis, ne connaît pas ses vrais besoins, et finit par être comme étranger à lui même. Toute sa vie, il va rester tributaire de la confirmation des autres.

    Les troubles narcissiques dans la perspective gestaltiste

    « La capacité de l’enfant à bien fonctionner comme adulte, à se lier aux autres tout en restant différencié dépendra de sa réussite dans la résolution de ce conflit » (Delisle, 2004, p57)

    En Gestalt thérapie nous parlons du champ organisme/environnement pour expliquer la nature interactive de l’être humain en relation avec le monde. La Gestalt a développé les notions de contact, et de frontière contact. Le concept de cycle du contact permet de décrire et d’observer le fonctionnement de la personne à la frontière avec son environnement. Le concept de Self, redéfini comme un processus en action, met l’accent sur les phénomènes vécus et pas toujours conscients dans les différentes phases du contact.

    Dans le cycle du contact gestaltiste, le déploiement du Self commence dès le pré contact, en mode « ça », avec l’émergence du besoin. L’organisme va au contact de l’environnement sur le mode « moi » pour chercher à satisfaire ce besoin. Le plein contact est le point culminant, moment de confluence saine, d’abolition de la frontière contact. Puis le champ se différencie de nouveau, les frontières se rétablissent, c’est le post contact, phase d’assimilation favorisant la croissance. Ce que nous avons gagné et expérimenté dans ce processus de contact s’assimile dans la fonction personnalité, nous sommes enrichis par de nouvelles possibilités d’identification et de croissance.

    Dans la pratique, les cycles du contact sont souvent interrompus par des perturbations, encore appelées résistances. Le noyau de tous les symptômes narcissiques est une angoisse devant la menace de confluence au début du plein contact, cette angoisse de perte d’autonomie étant évitée par des rétroflexions plus ou moins fortes. La personne n’arrive pas à se laisser aller à l’expérience qui serait importante pour sa satisfaction ni à l’intégrer à sa personnalité. Les perturbations narcissiques sont des perturbations de la fonction personnalité. On les reconnaît comme étant des perturbations précoces. Elles sont de deux types :

    • Soit les tentatives d’autonomie de l’enfant ont été freinées par le comportement surprotecteur de la mère, avec pour conséquence un manque de confiance de base dans la réalité. Si l’exploration de son environnement est découragée, l’enfant va inventer un monde intérieur grandiose qui n’aura que peu à voir avec la réalité. • Soit on lui en demande trop et l’enfant est abandonné à lui même dans des moments où il aurait besoin d’aide. La découverte du monde extérieur est vécue comme angoissante. Il en résulte un manque de confiance de base dans les relations et une incapacité à se laisser aller.

    J’accompagne Flora depuis quatre ans. Elle a une quarantaine d’années, vit en couple, est mère de trois enfants. Petite, menue, brune, elle est vive, élégante, sobrement maquillée. Elle est professeur des écoles. Elle dit avoir des difficultés relationnelles avec sa famille et avec les autres. Dès le premier contact son discours est assez péremptoire, le ton est dur, je pourrais me sentir un peu agressée et en même temps, sa dureté apparente, ses manières brusques et son manque d’amour d’elle même me donnent envie de prendre soin d’elle. Sa demande : « être en paix avec elle même, retrouver un équilibre personnel, s’épanouir dans sa vie de femme et de mère ». Elle est l’aînée de quatre enfants, deux filles et deux garçons. Son histoire familiale est marquée par un père tyrannique, pater familias à l’ancienne, qui trompait sa femme et abusait sexuellement de ses filles. Sa mère est une femme en apparence soumise, qui n’a jamais voulu voir la vraie personnalité de son mari, et qui n’a jamais protégé ses filles de sa concupiscence. Famille sans limites, où règnent la confusion et les comportements déplacés. Environnement violent, intrusif, abusif, ambiance incestueuse, elle a été prise dans un enfermement mortifère. Elle n’a pas de souvenirs de son enfance, comme si elle avait vécu abstraite d’elle même ou de son monde, comme si elle avait dû se rendre inexistante.

    En tant qu’aînée elle a très tôt été « parentifiée », faisant office de seconde maman. Elle n’a pas eu le choix, il n’y avait pas de place pour ses états d’âme, ses inquiétudes, ses angoisses. Elle a été obligée de grandir vite et de prendre le contrôle de l’environnement qui faisait constamment effraction. Elle a été utilisée comme prolongement narcissique et pervers de son père. Le lien avec ce dernier est important pour sa survie psychique puisque la mère est passive et occupée par un de ses fils. La petite fille n’a pas le droit d’être vulnérable, elle ne peut être que soumise et obéissante, devant tout faire pour répondre aux exigences parentales et se faire aimée. Elle a une mauvaise image d’elle même, et ressent une insécurité totale qui l’empêche d’être tranquille, insécurité à l’intérieur (je suis mauvaise, nulle) et à l’extérieur (je ne peux pas faire confiance aux autres). Devenir indépendant et autonome trop tôt peut engendrer beaucoup d’insécurité.

    Pour Noël Salathé, le narcissique se prend en charge de façon autonome. La contrainte existentielle en cause est la solitude. Le bio scénario peut se résumer ainsi : « jamais plus je ne prendrai le risque d’être abandonné, votre présence je n’en ai pas besoin, je me débrouille tout seul ». Cette attitude reflète la peur d’une nouvelle séparation, qui serait intolérable, et elle conduit à un comportement d’évitement. Les situations d’intimité sont vécues comme dangereuses d’où la mise en place d’un processus défensif avec résistance à la confluence. On est dans l’égotisme qui consiste à maîtriser toutes les variantes de la situation avec incapacité à lâcher prise pour passer de l’action à l’interaction et s’abandonner pleinement au contact. Le mécanisme d’évitement débute par une projection « je vais être déçu ou détruit». L’angoisse intervient au début du plein contact, refoulée par une forte rétroflexion. Flora doute de l’amour de ses proches et ne peut rien demander pour elle, le risque d’être rejetée est trop grand. Elle ne peut que rétrofléchir son mouvement. Dans son histoire, si elle s’avance vers sa mère, celle ci n’est pas disponible pour elle et si elle se tourne vers son père, elle se fait maltraiter ou abuser.

    Le cycle se trouve interrompu entre la phase d’awareness et celle d’orientation. La fonction « ça » est présente, mais le « moi » restreint les possibilités d’orientation La personne évite le plein contact, ou le sabote afin de garder le contrôle. L’ajustement créateur ne peut se faire, d’où absence d’expérience nouvelle et d’assimilation. Cela conduit à une structure de personnalité étroite et rigide, où le « nous » n’existe pas.

    Flora fonctionne beaucoup en mode projectif, certaine qu’on ne va pas l’apprécier. Ses besoins affectifs sont forts et la rendent exigeante, ce qui a pour effet, parfois, de provoquer ce qu’elle redoute le plus, la prise de distance d’autrui. Cette quête d’attention, d’approbation pour se sentir exister se heurte à une impasse car elle repose sur des besoins symbiotiques. Elle met en place des expériences où la recherche de confluence la mène à l’égotisme. Quand l’autre existe, s’exprime, elle est mal à l’aise, elle l’envie, elle s’efface. A l’inverse, quand elle s’exprime, elle a besoin que l’autre soit d’accord avec elle et pense comme elle pour se sentir bien. Elle peut très vite se sentir attaquée si ce n’est pas le cas. Il n’y a pas de place pour deux. Elle ne peut vivre que des relations fusionnelles ou d’évitement. Maintenir le lien est difficile, ça lui fait perdre le sens de ses propres besoins. Même avec ses amis proches elle ne se laisse pas la liberté d’être comme elle est, elle fait des efforts pour être conforme à ce qu’elle imagine qu’ils attendent d’elle, elle n’arrive pas vraiment à se lâcher. Alors elle s’arrange pour qu’il n’y ait pas trop de proximité affective, pour ne pas être trop longtemps dans le contact. Quand elle est en lien, elle se perd. La présence de l’autre est à la fois indispensable et intolérable. Au début de notre relation je me suis souvent sentie agressée, je percevais son exigence et son impatience à mon égard. Sa manière un peu péremptoire de me tenir à distance m’a conduit bien souvent à rétrofléchir le mouvement spontané que j’aurais pu avoir à son égard.

    Si on regarde comment le cycle du contact est perturbé chez Flora, ce qui émerge souvent au niveau du ça, c’est de l’impatience, de la colère, de l’agressivité, de la rage, mais aussi de la tristesse car elle a l’impression de ne pas être aimée ou comprise, d’être perçue comme dure par les autres. Elle vit dans la peur d’être trahie, trompée, abandonnée, le tout sur un fond d’angoisse permanent, qui la met dans un état de nervosité qu’elle contrôle mal. La symbolisation est perturbée, l’interprétation de ce qui se passe est influencée par le passé, l’accès à l’énergétisation est facile, mais il y a plus d’agression ou de retrait que de plein contact, ou même interruption complète quand elle retourne la violence contre elle. Elle projette sur l’autre ses propres exigences, pendant longtemps je me suis sentie sous obligation de résultat et sous pression. Elle rétrofléchit ses besoins de soutien personnel, se disant qu’elle doit se débrouiller toute seule, ce qu’elle fait depuis toujours. Elle est souvent gênée par mes manifestations d’attention ou d’affection, elle les défléchit. Elle a peu de capacité à vivre une confluence saine car elle a peur d’être envahie.
    Elle se trouve peu aimable. Elle est beaucoup dans le faire, dans une sorte d’hyperactivité et de contrôle permanent de son environnement qui lui permettent de combattre son angoisse et son insécurité de base. Son besoin de conserver une image forte l’amène à nier ses besoins de dépendance. Elle décrit ainsi certaines caractéristiques de sa personnalité : tendance à vouloir tout faire toute seule, grande exigence vis à vis d’elle même et des autres, esprit critique, difficulté à recevoir les critiques comme les compliments, très préoccupée par le regard des autres. Son équilibre narcissique prend sa source dans le regard posé sur elle. Sans un regard qui l’anime, elle se sent vide. Mais la réalité de l’autre contient aussi une menace d’abandon qui la renvoie à une solitude existentielle profonde : « quand l’autre ne me voit pas, je suis seule, je n’existe pas ». Flora est beaucoup dans la séduction. Si elle est désirée, elle existe ! Son sentiment d’existence est lié au regard de l’environnement et ne repose pas sur un sentiment interne. En d’autres termes, la dépendance affective constitue le fond sur lequel la défense narcissique est posée pour se protéger de la souffrance de la dépendance.

    L’intervention thérapeutique est laborieuse car, au départ, il n’y a pas de « nous ». Le thérapeute doit adopter une attitude empathique, chaleureuse, peu confrontante, pour pouvoir comprendre les blessures de son patient. Sous un abord froid et réservé se cache souvent une énorme souffrance. Le cœur de la thérapie c’est de le rejoindre et de nous laisser rejoindre par lui. Il a besoin de voir qu’on est touché. Il est important de développer notre capacité à « être avec » avant de chercher à transformer quoi que ce soit. Les enfants qui, comme Flora, ont été constamment soumis à des attaques, ont baigné dans un type de lien particulier qui déforme la réalité actuelle. J’explique à mes patients que les relations qu’ils ont vécues en tant qu’enfant continuent à être actives à l’intérieur d’eux mêmes. Il est important d’aller chercher dans le fond les petits événements quotidiens auxquels ils n’ont pas fait attention pour comprendre dans quel genre de relation ils ont été pris, et la souffrance qui en résulte. Et pour que ce soit réparateur, il faut qu’ils puissent dire qu’ils sont tristes et qu’il y ait quelqu’un pour les entendre. C’est cette souffrance très ancienne qui est réactivée. En nous appuyant sur notre ressenti nous pouvons les rejoindre, ça fait du « nous ». Il faut qu’ils puissent faire l’expérience de notre préoccupation pour eux, et avoir accès à ce qu’ils animent en nous, tout comme l’enfant devrait avoir accès à l’émotion de ses parents. Les rencontrer là où ils ont besoin d’être rencontré nourrit à la fois leur sentiment d’existence et leur sentiment d’être relié, ça développe la présence à soi-même et à l’autre et ça accroit la sécurité de base. J’ai souvent été touchée par la petite en elle, cette petite insécurisée cachée derrière la guerrière et je me suis reconnue dans ce qu’elle vivait, ayant moi même été confrontée à ce genre de souffrance.

    Pour Salathé, l’objectif thérapeutique est de favoriser une saine expérience de confluence en surmontant l’angoisse du lien. C’est le travail approfondi de ces angoisses qui va permettre d’avoir des comportements différents et de diminuer l’appréhension du plein contact. Des sentiments de culpabilité pour une attention imméritée et de honte pour des sentiments positifs de soi peuvent apparaître. Il y a tout un travail à faire autour de ces sentiments de culpabilité et de honte, derniers obstacles avant le plein contact par lequel le patient peut enfin expérimenter une vraie relation « je-tu » dans le sens de M. Buber. Ces coupures de contact sont des introjections ou des projections. Le contenu des introjects est le sentiment qu’il est plus sûr de s’assumer soi même plutôt que de compter sur les autres. Le travail sur les projections porte sur le fait que la relation tient, même si le client perd son vernis narcissique. Comme l’a écrit Perls (1951) : « soutenir les sentiments désagréables, de honte et de peine, est le seul moyen de mettre en évidence les expériences refoulées pour terminer dans la présence sécurisante de la situation thérapeutique ce qui n’a pu être terminé autrefois ».


    Les troubles narcissiques dans la perspective de la PGRO

    La PGRO (Psychothérapie Gestaltiste des Relations d’Objet) est née de l’intégration de certains concepts de l’Ecole Anglaise des Relations d’Objet à la Gestalt thérapie. Elle met l’accent sur l’interdépendance des liens et sur la construction du sujet à travers ses liens passés et actuels. Elle place au centre de son questionnement la manière dont la personne intériorise les relations humaines. Pour Gilles Delisle (1998), « ce qui compose le Self, ce sont... les relations humaines intériorisées. Une fois intériorisée, une relation vit à l’intérieur sous la forme d’une représentation », représentation qui agit dans le réel, vient perturber le contact et structurer le champ. Le Self est donc constitué de représentations internes. Dans la santé, ces intériorisations assimilées, accessibles à la conscience, servent de repères dans les phases de contact. Dans la pathologie, le Self perd son unité, il est constitué d’éléments introjectés, clivés, non accessibles à la conscience. Dans le processus d’intériorisation, le champ est configuré de telle sorte qu’une expérience est à la fois indispensable et intolérable, donc inassimilable. Par exemple un enfant maltraité par sa mère a besoin de sa présence pour survivre (avoir l’indispensable) et doit ignorer que cette mère le fait souffrir (ne pas savoir l’intolérable). Il est impossible au Self naissant de l’enfant de dégager le sens de telles expériences, par trop complexes.

    Gilles Delisle soutient que la personnalité se développe au fil d’un parcours qui exige de métaboliser d’une manière optimale un certain nombre d’enjeux développementaux. Passer du stade de nourrisson à celui de personne adulte c’est traverser un certain nombre d’épreuves, les enjeux développementaux, qui se présentent aux différents stades de maturation psychobiologique. C’est un long travail de différenciation entre l’enfant et son environnement qui comporte des moments critiques. Le bon fonctionnement psychologique est la conséquence de la métabolisation de ces enjeux. La personnalité pathologique résulte de l’échec d’un ou plusieurs enjeux développementaux.

    L’un de ces enjeux est l’enjeu d’estime de soi, arriver à avoir une bonne estime de soi, une disposition confiante et empathique à l’égard de l’autre, et des idéaux assimilés donnant sens à l’expérience et à la vie. L’enjeu pourrait se résumer ainsi : « je suis imparfait, limité et digne, l’autre aussi ».

    La plupart des parents voient leur enfant à travers un amalgame de besoins narcissiques et d’empathie véritable et l’enfant est souvent traité comme le prolongement narcissique de ses parents. Un environnement humain soutenant est important pour un développement correct de l’estime de soi. L’attitude saine des parents est d’accueillir, le temps qu’il faut, la grandiosité infantile, de contenir l’agressivité et l’angoisse, d’incarner l’idéal, de refléter adéquatement les progrès développementaux. L’enfant a besoin de reflets réalistes de ses parents qui doivent l’aider à reconnaître ses ressources et ses limites et à faire face à la réalité. Pour G. Delisle, les pathologies du narcissisme résultent de la rencontre d’un organisme vulnérable ayant une faible tolérance à l’angoisse et d’un environnement défavorable à son développement. Les enfants développant des troubles du narcissisme ont vécu dans des familles où l’ambiance était faite d’évaluation, un des parents, sinon les deux, étant porteurs d’enjeux narcissiques ou identitaires inachevés. L’enfant n’a pas été vu, ou il a été vu d’une façon attaquante et/ou dévalorisante, ou encore d’une façon idéalisée. Il se sent alors important et valorisé dans le rôle qu’il est tenu de jouer, mais il pressent que si on découvre certains de ses affects, comme l’égoïsme et l’hostilité, il sera rejeté, ce qui va favoriser le développement du faux self. Tout cela aboutit à une faible estime de soi, à une disposition assez méprisante et non empathique à l’égard des autres, et à des idéaux grandioses, qui risquent d’engendrer de la dépression et de l’agressivité s’ils ne sont pas atteints. Une bonne estime de soi est une estime de soi réaliste. Une personne dont le Self a été nié dans ses besoins de reconnaissance risque fort d’avoir de grandes difficultés à reconnaître l’autre. Il va faire à l’autre ce qu’on lui a fait, « l’exploiter » dans les relations interpersonnelles... l’autre doit servir à quelque chose !

    Le patient narcissique a une fonction personnalité clivée, il passe sans cesse de la toute puissance à l’impuissance, de l’idéalisation à la dévalorisation, sur un fond de dépression et d’angoisse important.

    La perspective de Heinz Kohut, la psychologie du Self

    Longtemps après Freud la notion de narcissisme est restée en retrait, puis elle est revenue au premier plan grâce à des auteurs comme Grumberger en France, Kohut aux USA ou même Winnicott en Angleterre pour qui la notion de Self est très proche de celle de Kohut. Ces trois auteurs ont insisté sur la nécessité de respecter le narcissisme des patients pour ne pas risquer de défaire la cohésion de leur Self.

    Kohut est à l’origine d’une école : la psychologie du Self. Il a développé les concepts de self- objet, de rage narcissique et de transfert narcissique. Il s’inscrit dans un mouvement post freudien qui remet en question la place donnée à la pulsion. Il rapporte le narcissisme non au "moi", mais à une entité plus large, le Self, le narcissisme étant l'investissement libidinal du Self. Le but du développement est le renforcement et la cohésion du Self, la menace la plus profonde étant celle de sa destruction. Le narcissisme précède la relation à l’autre comme sujet séparé, il n’est pas incompatible avec l’investissement d’autrui.
    Kohut considère que le narcissisme ne disparaît pas pour céder la place à autre chose. C’est un axe développemental qui a besoin d'être nourri tout au long de la vie pour un fonctionnement sain. Il a un rôle organisateur pour le psychisme dans son ensemble.

    La notion de Self-objet (soi-objet)

    Pour Kohut, il existe deux axes de développement fondamentaux : L'être humain se développe dans ses relations aux objets et sur le plan de la construction de son self. Les besoins du self sont essentiellement des besoins de relation et de sens. Le self-objet fait le lien entre ces deux axes de développement. C'est une expérience, une relation, où l'autre est au service du self. « Si l'autre est cible de désir, de colère, d'amour ou d'agressivité, c’est un objet, s’il maintient la cohésion, la force et l'harmonie personnelles, c'est un soi-objet ». (A. Oppenheimer, 1998). Sa fonction est d’assurer la cohésion du self.

    Lors des premières relations avec son environnement, l'enfant ne conçoit pas l'autre comme séparé, mais comme faisant partie intégrante de son psychisme. Le self-objet est donc une personne qu’il s'approprie comme une partie de lui-même pour étayer son self. Dans un premier temps, la personne n'est pas vue comme différenciée. On est dans des espaces transitionnels, le parent est un prolongement. Puis il se différencie petit à petit, et les qualités nécessaires au self s'intériorisent. Kohut, comme Winnicott, insiste énormément sur le rôle fondamental de l’environnement.

    Pour pouvoir construire un self adulte, il faut avoir reçu des réponses adéquates de ses self- objets. Le sens du développement est d'établir des relations avec l'objet total et d'intérioriser les fonctions du self-objet. Ce besoin de relations self-objectales persiste toute la vie, c’est le besoin d’avoir quelqu’un à idéaliser ou de se sentir soi même confirmé dans sa valeur par un autre qui joue une fonction analogue à celle des premiers self-objets. La santé c'est la capacité à trouver dans l'environnement les self-objets matures dont on a besoin.
    Flora a grandi dans un environnement familial extrêmement toxique, où les enfants ne pouvaient être que soumis et obéissants. Il y a eu très peu de reflets positifs, mais plutôt des critiques, pas de parent qui lui fournisse l’expérience de pouvoir s’appuyer sur lui pour construire son sentiment de sécurité intérieure, pas de réponse empathique à ses besoins relationnels et narcissiques fondamentaux. L’enfant a besoin d’idéaliser et d’être idéalisé. Flora a idéalisé son père qui était le seul à lui témoigner des marques d’amour mais elle l’a désidéalisé à cause de sa violence, de ses exigences et de ses d’abus. Elle était pour lui un objet excitant. Elle n’a pas pu idéaliser sa mère qu’elle voyait comme une femme soumise, qui ne l’a jamais protégé et qui l’a utilisé comme mère de substitution. Je suis pour elle ce self objet qui va l’accepter dans sa grandiosité, refléter ses progrès, l’aider à construire son sentiment de sécurité et qui l’amènera peu à peu à se différencier, à s’opposer et, finalement, à me désidéaliser.

    Le Self bipolaire

    Il y aurait au départ, pour l’enfant, un vécu de félicité narcissique proche de la notion de narcissisme primaire qui va forcément être perturbé par les lacunes inévitables des soins maternels. Pour amoindrir ses blessures et ses frustrations l’enfant va projeter sur ses objets parentaux idéalisés une part de son omnipotence originelle. Chacune de ces configurations est le point de départ d'une ligne de développement :

    • La première s'efforce de recréer un self parfait : ce qui est mauvais sera attribué à l'extérieur, et ce qui est bon au "self narcissique" ou "self grandiose". Du self grandiose dérive le registre des ambitions, le « moi idéal »3 peut y être rattaché.
    • La seconde s'efforce de rétablir la perfection des soins maternels en créant une image parfaite et omnipotente de cet autre qui s'occupe de lui : "l'imago parentale idéalisée". De l'imago parentale idéalisée dérive le registre de « l'idéal du moi ».

    L'imago parentale idéalisée est aussi admirée que le soi grandiose exhibitionniste cherche à être admiré. L'enfant a besoin du reflet des yeux de sa mère, c’est dans son regard qu’il se reconnaît et apprend à s’aimer. Le soi grandiose conduira à l’estime de soi et l’imago parentale idéalisée donnera accès aux valeurs et aux idéaux. Si l’enfant est confirmé dans sa valeur, il va intégrer ce regard extérieur positif, et il gagnera en confiance en soi et en assertivité. Dans le cas contraire, et Jean Marie Robine (1991) le dit : « au commencement était la honte », dans le regard désapprobateur l’enfant va se sentir mauvais et en retirer de la honte et de la culpabilité. formation intrapsychique que certains auteurs définissent comme un idéal de toute puissance narcissique forgé sur le modèle du narcissisme infantile – Laplanche et Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, 1967
    terme employé par Freud : instance de la personnalité résultant de la convergence du narcissisme et des identifications aux parents...en tant qu’instance différenciée, l’idéal du moi constitue un modèle auquel le sujet cherche à se conformer – Laplanche et Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, 1967

    Soi grandiose et dépression

    Je suis frappée par la violence des propos de Flora quand elle parle d’elle même, elle voudrait être extraordinaire, ou alors elle est nulle. Elle oscille toujours entre deux polarités. Elle passe son temps à considérer ce qu’elle n’est pas, à invalider ses expériences de vie, à ne pas voir sa valeur. J’ai peur de lui dire certaines choses, car elle me dépossède de mes mots, se les approprie en renforçant mon discours et elle les utilise pour valider son scénario « je suis inadéquate». Cela m’enferme dans une impasse. Je me demande si cette invalidation récurrente ne serait pas une forme d’omnipotence. Dans le cycle du contact l’invalidation a lieu au moment de l’assimilation, il n’y a pas ou peu d’intégration de l’expérience et donc pas ou peu de transformation de la personnalité.

    Pour Kohut la position grandiose5 viendrait compenser une blessure narcissique et tenir à l’écart la souffrance qui s’y rattache. L’être grandiose est impliqué dans un combat incessant pour maintenir son estime de lui. Il est attentif à toute forme de reconnaissance, d’approbation, équivalent pour lui à de l’amour. Il n’est jamais réellement libre, trop dépendant de l’admiration des autres, admiration liée à des qualités et des performances qui peuvent à tout moment s’effondrer. La grandiosité est une défense contre la dépression. Tant que cette position peut être maintenue, le sujet peut entretenir une estime de lui suffisante, mais s’il échoue, la dynamique dépressive prend le dessus et laisse apparaître de la dévalorisation, un sentiment de honte diffus, une sensation de vide. Dans ce cas, la dépression n’est pas la souffrance du présent, elle renvoie à une blessure très ancienne

    La rage narcissique

    Kohut l’a introduite en référence au soi grandiose, elle apparaît au moment où le sujet fait l’expérience de son impuissance à maintenir une image de soi suffisamment gratifiante. C’est une réaction à la blessure narcissique, le pendant agressif de la honte. Elle se différencie des autres formes d'agressivité, par sa ténacité, sa disproportion, son manque d'empathie. Le but c’est d’infliger à l’autre le genre de blessure narcissique dont on a souffert. Cette rage ne s'épuise que difficilement car c'est le self qui doit être restauré. Si l'agression ordinaire s'adresse à un objet, la rage narcissique s'adresse à un self-objet défaillant. Elle vise à rétablir le pouvoir absolu du self grandiose. Pour J. M. Robine, c’est une rupture de rétroflexion, qui laisse toute la place à l’agressivité.

    Si son compagnon ne l’appelle pas suffisamment lors de ses nombreux déplacements, elle rentre dans un état d’insécurité qui amène très vite de la rage et des attaques. Elle se sent niée dans son existence même. Je suis frappée de l’intensité de son état : « à ce moment là je n’existe plus, les autres deviennent plus importants que moi ». Elle n’est jamais sûre de la trace qu’elle peut laisser. Sa façon d’être en relation repose sur le contrôle, elle ne peut pas prendre le risque de faire confiance. Il y a beaucoup de sentiments violents qui se manifestent par rapport à la moindre menace d’abandon. Elle surréagit au point de devenir harcelante, ce qui lui coûte très cher en terme d’image.

    La rage s’exprime parfois dans la thérapie, le thérapeute se trouvant pris à parti par son patient qui tente de l’atteindre dans son narcissisme, comme pour lui faire vivre par identification projective ce qu’il est en train de vivre. Ce qui va être réparateur c’est la capacité du thérapeute à rester en contact avec ses sensations et ses affects négatifs sans attaquer le patient. Il doit être suffisamment perméable pour accueillir la rage, ne pas se laisser envahir au risque de perdre sa faculté de penser et contenir les sentiments qu’il suscite en lui, avant de les lui restituer. Il ne doit surtout pas être attaquant. Le patient a besoin de voir que, quand le thérapeute est touché, il peut le vivre sans se laisser détruire par lui. Lorsque j’ai changé de cabinet, j’avais dit à mes patients que je les préviendrais à mon retour de vacances de la reprise des séances. Flora est la seule personne que je n’ai pas prévenue. Elle m’a téléphoné quinze jours après mon retour et s’est montrée furieuse quand je lui ai dit que j’avais oublié de l’appeler. Je lui ai proposé un RV, et dès son arrivée elle n’a eu de cesse de m’attaquer, elle était dans une rage folle. J’ai du prendre sur moi, je sentais la violence qui m’envahissait mêlées à de la honte et de la culpabilité et qui devenait de plus en plus difficile à contenir. J’étais devenue le mauvais objet, la mère toute mauvaise. J’ai réussi à nommer que face à ses attaques, je pourrais moi aussi avoir envie de l’attaquer, que je sentais beaucoup de colère en moi et qu’on allait prendre le temps de regarder ensemble ce qui s’était passé entre nous. Il nous a fallu une autre séance pour arriver à comprendre comment nous avions toutes les deux configuré le champ pour arriver à cette situation. Comme notre lien est solide, je sais qu’elle se sent en sécurité avec moi, elle peut prendre le risque de m’attaquer et ma réponse peut être différente de celle de ses objets internes.

    Les transferts narcissiques ou transferts self-objectaux

    Kohut part de l’idée que certains patients ne sont pas analysables car leur self blessé doit d’abord être restauré. Ils attendent du thérapeute qu’il assume cette fonction de restauration. Ils vont faire de lui un « self-objet ». Il devra accepter l’idéalisation du patient pour lui permettre de vivre une expérience narcissique restauratrice de son self. Les transferts narcissiques sont en fait des tentatives de reprise du développement. Kohut va en distinguer différentes formes qui dérivent de deux cas de figures : le transfert idéalisant et le transfert en miroir.

    • Le transfert idéalisant va réparer l’idéal du Moi. Il se développe lorsque le
    • thérapeute se trouve assimilé à l’imago parentale idéalisée. L’attitude du patient
    • s’exprime ainsi « tu es parfait mais je fais partie de toi ». Le thérapeute doit accepter,
    • sans s’y identifier, l’idéalisation du patient, l’équilibre narcissique de ce dernier en
    • dépend.

    Flora m’idéalise, je suis une bonne mère pour elle. Il n’y a pas beaucoup de place dans notre relation pour du transfert négatif. Elle a besoin de me voir toute bonne. J’accepte cette idéalisation qui me narcissise d’une certaine manière, moi qui doute souvent de mes compétences, je sais que c’est une étape nécessaire. Je sens aussi qu’il y a un objet narcissique interne qu’il faut gratifier en étant une bonne patiente. Elle a vécu du rejet et de l’attaque quand elle ne correspondait pas aux attentes de ses parents et elle a sans doute besoin que je sois satisfaite pour ne pas être en danger. Il n’y a pas de place pour l’ambivalence. Peu à peu je vais lui montrer un autre coté de moi et laisser apparaître des mouvements négatifs pour qu’elle puisse faire de la place à ses propres parties négatives et l’amener à me désidéaliser.

    « Terme introduit par Mélanie Klein pour désigner un mécanisme qui se traduit par des fantasmes, où le sujet introduit sa propre personne en totalité ou en partie à l’intérieur de l’objet pour lui nuire, le posséder et le contrôler... rejet à l’extérieur de ce que le sujet refuse en lui, projection du mauvais » Laplanche – Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, 1967

    • Le transfert en miroir, est la remobilisation du soi grandiose pour réparer le moi
    • idéal. L’attitude du patient signifie : « je suis parfait et j’ai besoin de toi pour me le
    • confirmer ». Il va s’assurer que le thérapeute lui est acquis. Ce dernier doit accepter de
    • jouer le jeu et créer un climat de chaleur sans lequel aucune confrontation n’est
    • possible et serait même vécue comme un rejet. C’est une demande de reconnaissance
    • comme le ferait un enfant auprès de sa mère. Il faudra accueillir avec bienveillance ce
    • besoin normal de s’exhiber pour que cette exhibition ne reste pas prisonnière de sa
    • grandiosité. Le thérapeute, qui se vit comme au service des besoins de reconnaissance
    • de son patient, risque de ne pas se sentir reconnu dans son altérité. Un des biais pour
    • aborder le transfert est notre propre contre transfert. Il va nous aider à comprendre
    • comment on est affecté par notre patient, quel objet on devient pour lui et nous
    • permettre, également d’émettre des hypothèses.
    • Le transfert en alter ego : « nous sommes tous semblables », permet de vivre une
    • ressemblance essentielle qui est rassurante. Etre vu et compris par quelqu’un qui nous
    • ressemble est réparateur.


    Le transfert narcissique suscite des contre transferts qui peuvent mettre la relation thérapeutique en échec. Il est important d’accepter l’investissement narcissique du patient afin de l’amener par internalisation transmutative7 à intérioriser les fonctions parentales. Il pourra ensuite reconnaître le thérapeute dans sa réalité, avec ses forces et ses limites. Comme le souligne G. Delisle (1998) en parlant de la relation thérapeutique « tant qu’on n’est pas un Self-objet reflétant, il n’y a pas de démarrage de la thérapie ».
    Empathie et interprétation

    L’empathie joue un rôle central chez Kohut qui est très soucieux de préserver le narcissisme des patients. Elle constitue un lien émotionnel puissant. L'empathie est la condition qui permet l'interprétation, elle a des effets thérapeutiques importants. Elle demande une grande compétence affective au thérapeute. Sa bienveillance est un don fait au patient qui se trouve dans une situation où une personne l’écoute afin de le comprendre. Ça lui permet de vivre une expérience émotionnelle importante pour sa croissance. L'effet thérapeutique de l'empathie est précieux mais secondaire par rapport à l'interprétation, qui doit permettre d’élaborer les manquements des premiers self-objets. Comme nous l’avons vu précédemment, c'est dans les différentes formes de transferts self-objectaux qu’on va pouvoir les reconnaître et les interpréter.

    L'interprétation renvoie aux processus inconscients qu'elle fait accéder à la conscience. Si l’empathie rassure, évite les blessures narcissiques, et favorise le transfert self-objectal, l'interprétation soutient la perlaboration qui permet d'accepter les éléments refoulés et de se dégager de la répétition. L'attitude du thérapeute doit permettre le déploiement des aspects narcissiques du transfert. Il est un tuteur de résilience, qui partage avec son patient une expérience importante pour son développement : la relation self/self-objet. Si le thérapeute est défaillant en tant que fonction, il n'y a pas d'intériorisation de cette fonction. Il va devoir ajuster sa présence et donner ce qui a manqué : une acceptation bienveillante de l’idéalisation et de la dévalorisation, de la réassurance et une saine confrontation à la réalité. Le but de la thérapie est de restaurer le fonctionnement et la cohésion du self.

    Mécanisme qui assure la construction du psychisme, son organisation se faisant par assimilation des fonctions initialement remplies par les selfobjets

    L'auteur le plus proche de Kohut est Winnicott, qui prend en compte l'environnement, le système mère/enfant, la nécessité pour la mère d'assumer des fonctions pour que l'enfant se développe. Les besoins du moi, les défenses réactionnelles de rage, et l'impact donné aux traumas et aux carences le rapprochent de Kohut. Le "vrai self" de Winnicott est similaire au "self nucléaire" de Kohut. Leurs attitudes thérapeutiques sont proches, dans l'importance accordée aux besoins du moi.

    Ma stratégie thérapeutique avec Flora

    Avec Flora mon travail consiste globalement à La rejoindre dans sa souffrance
    Beaucoup la voir, et la rassurer narcissiquement
    Faire du holding
    Revisiter ses enjeux d’attachement
    La contenir dans ses espaces d’insécurité et faire de la régulation émotionnelle
    Faire bouger sa fonction personnalité, et l’amener à consolider son image
    Remettre en route le processus développemental
    La rejoindre dans sa souffrance

    Je me suis beaucoup efforcée de la rejoindre dans ses accès de rage. J’aurais pu être contaminée par sa violence, mais je n’ai jamais perdu de vue la souffrance qui se cachait derrière. J’ai essayé d’interrompre ses auto attaques, son auto dénigrement. Elle se fait mal en agissant ainsi : « Quand tu te vois toute mauvaise, ça me fait mal de te voir dans cet état là. Je voudrais te rejoindre là où ça fait mal. Tu te fais beaucoup souffrir. Ce qui me frappe c’est toute cette violence contre toi, la violence contre l’autre est seconde. Tu aurais besoin d’être rassurée et consolée, mais dans ces moments là je ne suis pas sûre qu’on puisse te rassurer ». Dans ses accès de rage elle n’est que partiellement consciente de sa souffrance, mon travail consiste à la mettre en contact avec elle, à l’aider à conscientiser ses ressentis là où il n’y a pas beaucoup de conscience et plutôt une perte de contact avec la réalité. Marie Petit (1984) insiste là dessus : « Le contact implique une conscience active ». Beaucoup la voir et la rassurer narcissiquement

    Le narcissisme sain se construit dans le regard d’un autre. Il est important de poser sur notre client un regard positif, un regard de parent qui le voit, qui se réjouit de son existence pour paraphraser Kohut. Une des fonctions de la mère est la fonction de miroir. Elle doit pouvoir refléter son enfant. Si elle est absorbée ou incapable de répondre aux sollicitations du bébé, celui-ci va rencontrer le vide, l’angoisse. La réalité extérieure ne lui est pas présentée et il ne peut pas accéder au sentiment d’être réel et différencié : « Dans le développement émotionnel de l’individu, le précurseur du miroir c’est le visage de la mère. Généralement, ce qu’il (le bébé) voit, c’est lui même. La mère regarde le bébé et ce que son visage exprime est en relation directe avec ce qu’elle voit. Mais nombre de bébés se trouvent longtemps confrontés à l’expérience de ne pas recevoir en retour ce qu’eux mêmes sont en train de donner... leur propre capacité créative commence à s’atrophier et d’une manière ou d’une autre, ils cherchent un autre moyen pour que l’environnement leur réfléchisse quelque chose d’eux mêmes » (Winnicott, 1971).

    Le travail phénoménologique est essentiel. Par mes reflets empathiques j’essaie de la rendre plus présente à elle-même. Je juxtapose ma vision à la sienne quand elle me parle de son image de « mauvaise » : « Je ne vois pas ça de toi, tu n’es pas réductible à ça... j’entends à quel point tu doutes d’être aimable, mais moi je vois une femme qui a de la valeur, de la présence, du courage, et tu ne valorises pas ces aspects là de toi, tu es quelqu’un qui peut intéresser l’autre, le toucher, se faire aimer ».

    Flora me touche beaucoup dans sa fragilité et dans sa lucidité, et j’ai envie d’honorer les nombreux aspects d’elle même qui la rendent aimable même si, souvent, elle défléchit mes propos. C’est tout le travail de restauration narcissique. Faire du travail en miroir implique que le thérapeute ait une grande capacité de conscience et de présence. La rendre présente à elle même implique que je sois aussi présente à moi même.

    Faire du « holding »
    Avec nos patients en souffrance très archaïque, nous avons à offrir un environnement étayant, soutenant. Winnicott parle de la préoccupation maternelle primaire qui permet à la mère de s’identifier avec empathie à son bébé. Dans les soins qu’elle lui donne, à travers le « holding » et grâce à une adaptation active et continue à ses besoins, elle lui permet d’expérimenter le sentiment d’exister, fondateur de son Self : « La mère offre le monde au nourrisson de la seule manière qui n’amène pas le chaos, c’est à dire en donnant satisfaction aux besoins lorsqu’ils se manifestent » (Winnicott, 1975). Le Moi du bébé va ainsi se constituer peu à peu. Le rôle de la mère nous renvoie à notre rôle de « good enough » thérapeute qui fournit à son patient l’environnement adapté dont il a besoin pour expérimenter un sentiment continu d’existence.

    Quand on a été beaucoup attaqué en étant petit, on a perdu ses repères internes, on ne peut pas s’appuyer sur ses propres ressentis. Il est nécessaire que nous mettions dans le champ de façon continue nos propres ressentis, que nous nous rendions saisissables. La posture de base est de faire du « moi auxiliaire » en donnant accès à notre client à ce qu’il anime en nous, en syntonisant tout notre être avec ce qu’il vit : « ça me fait mal au cœur de voir ce qui se passait pour toi quand tu étais petite et je n’ai pas envie de te laisser là dedans ». Dans les moments d’émotion je ralentis le rythme, je mets des tonalités plus douces dans ma voix, je donne plus de place à l’affect, j’entre en contact avec sa partie blessée, je m’appuie sur mon vécu interne pour entrer en résonance avec elle. Je deviens le parent qui écoute, qui compatit et qui porte l’affect pour elle avant même qu’elle ne soit capable de le porter.

    Revisiter ses enjeux d’attachement
    L’attachement est un des enjeux développementaux, à la source même de notre sécurité affective. Les troubles de cet enjeu sont caractérisés soit par une incapacité à nouer des liens d’interdépendance stables, soit par une propension au sur-attachement, soit par de la perversion et une tendance à exploiter l’autre dans la relation. Derrière les problématiques narcissiques il y a souvent absence de la sécurité de base que fournit l’attachement précoce à une figure stable et fiable (Delisle, 1981). On reconnaît généralement deux types de pathologie de l’attachement, l’organisation de type schizoïde-évitante et l’organisation anxieuse-ambivalente.

    Flora présente une forme d’attachement de type anxieux ambivalent, qui se caractérise par un besoin excessif de prendre soin des autres, position qu’elle a dû adopter comme enfant d’une mère dépressive et surchargée. Son rapport à l’autre est anxieux, elle craint que son partenaire ne l’aime pas vraiment, elle devient jalouse et obsédée par la relation, a du mal à identifier ses besoins, et cherche avant tout à satisfaire ceux des autres. Elle n’a pas d’expérience de sécurité et elle contacte souvent la rage et le désespoir de ne pas avoir pu compter sur ses parents alors qu’elle devait prendre soin d’eux pour assurer sa survie ! Un père violent traitant l’autre comme un objet, et une mère peu protectrice, ayant peu d’estime d’elle même, se laissant tromper et bafouer. Elle a été fortement soumise à un amour conditionnel. Dépendante du regard de ses parents, elle a passé beaucoup de temps à s’adapter à leurs exigences réelles ou supposées. Elle n’a pas pu faire l’expérience d’être tout simplement une enfant, sans rien avoir à faire. Quand j’ai oublié de la prévenir de la reprise des séances, elle a vécu de l’abandon, je suis devenu le parent défaillant qui l’avait oublié. Nous avons travaillé son sentiment d’insécurité et la rage qui en découlait. Ce qui a été réparateur pour elle c’est que, bien que j’aie été touchée, je n’ai pas été détruite par sa rage, je n’ai pas exercé de « représailles » et notre lien ne s’est pas rompu. Elle a besoin d’expérimenter une relation sécure. Ma présence et mon attention sont bienveillantes mais non complaisantes. Le travail dans le champ va l’aider, au travers de notre relation, à comprendre et à expérimenter ce qu’est une relation d’intimité, cette intimité qu’elle souhaite et qui, en même temps, est insupportable car dans son expérience, la réponse n’est jamais prévisible, l’autre peut être dangereux. Il m’arrive de lui proposer un thé, un morceau de chocolat. Dessiner fournit du support à la symbolisation, on peut parler après : « et si on dessinait ta rage ? ». Je suis aussi le « parent réjoui », je lui partage ma joie de la voir réussir certaines étapes. Et puis il m’arrive de dévoiler certains côtés de moi, et de répondre à des questions un peu plus personnelles, comme le jour où elle a voulu savoir comment j’étais devenue psychothérapeute.

    La relation thérapeutique permet d’accéder à cet espace transitionnel où nous pouvons rester ensemble, calmement, pour lui permettre d’intérioriser assez d’expériences de moments tranquilles. Elle garde avec elle l’empreinte particulière de notre relation, Apprendre à se tranquilliser se fait d’abord avec quelqu’un. La capacité d’être seul se constitue de façon paradoxale, puisque c’est l’expérience d’être seul en présence de quelqu’un d’autre : « Il s’agit de l’expérience d’être seul en tant que nourrisson ou petit enfant en présence de la mère...être seul en présence de quelqu’un est un fait qui peut intervenir à un stade très primitif, au moment où l’immaturité du moi est compensé de façon naturelle par le support du moi offert par la mère » (Winnicott, 1969). La mère suffisamment bonne est une mère calme, apaisante !

    Beaucoup la contenir et faire de la régulation émotionnelle
    Dans son couple, la relation est très conflictuelle. Elle projette sur son compagnon de la violence et de la colère. Elle s’arrange pour le trouver défaillant, elle se met en position haute et ne peut pas prendre le risque de se montrer vulnérable. Je fais l’hypothèse qu’il représente cette partie d’elle même qui parle de sa propre dévalorisation, où elle est sans défense, démunie, insécurisée, qu’elle est obligée de projeter car elle ne la supporte pas. La violence d’aujourd’hui fait contrepoids à sa peur et à son désespoir d’enfant. Il va falloir qu’elle recontacte cette peur et ce désespoir pour faire baisser la violence. Si elle les avait ressentis à l’époque, elle se serait effondrée. Très loin derrière les attaques il y a une petite fille apeurée. Un de mes objectifs est qu’elle puisse se réapproprier cette partie clivée et en prendre soin, pour redevenir plus entière et faire bouger sa problématique d’estime de soi de façon significative. Il y a beaucoup d’intensité dans ses réactions, et pas de régulation émotionnelle. Elle a besoin d’être contenue.

    Comme beaucoup d’enfants ayant vécu dans un environnement insécurisant avec des parents imprévisibles, ses nombreux accès de violence sont liés à une mauvaise gestion de ses émotions, en lien, notamment, avec un déficit de connexions neuronales entre le cortex et le système limbique. Les neurosciences permettent de démontrer que la régulation émotionnelle est l’antidote à l’insécurité de base (Allan Schore, 2008)

    Il y a eu dans son histoire trop d’intensité émotionnelle que le cortex n’a pas pu filtrer et réguler. C’est ce qu’on va rétablir dans la thérapie. Pour cela, je l’aide à rester en contact avec ses affects et à les mentaliser. Dans les endroits où, enfant, elle ne pouvait pas penser, il est nécessaire aujourd’hui qu’elle se remette à penser. En nommant mes expériences internes, je lui permets de comprendre ce qui se passe pour elle. Quand je l’ai oubliée, elle s’est sentie abandonnée comme si elle n’existait plus pour moi. J’ai pu contenir la violence que je sentais et la métaboliser, ce qui lui a permis de se calmer. Il est important de rendre l’expérience pensable et représentable, ça remet en route le processus réflexif. Le langage permet la régulation émotionnelle, c’est un outil important du développement neuropsychologique.

    Faire bouger la fonction personnalité

    Après une énième dispute, Flora arrive au cabinet, bouleversée. Sa souffrance est d’autant plus grande qu’elle se voit toute mauvaise, elle dit être celle qui fait souffrir l’autre : « quand tu me dis ça, je pourrais te voir mauvaise, et en même temps, il y a bien des endroits où tu ne l’es pas, je suis frappée de ta souffrance, j’aimerais aller voir en quoi tu es toute mauvaise ». Je lui demande de me donner des exemples... Hypothèse de champ : « Quand tu l’es ça ne se fait pas tout seul, qu’est-ce que ton compagnon active, et qu’est-ce qui fait que tu nommes ça mauvaise » ?

    Dans les problématiques d’estime de soi, il est important d’abord de soigner la blessure, d’aller dans l’affect, d’être soutenant et contenant. Puis on prend l’étiquette et on demande à notre patient de nous donner des exemples, on travaille sur sa fonction personnalité. Souvent, quand on introduit la notion de champ, l’étiquette se décolle.

    «Quand tu te vois mauvaise, tu te regardes avec les yeux de quelqu’un d’autre ». J’amène Flora à regarder les choses d’une autre manière. J’introduis mon propre regard en lui disant ce que je vois d’elle, sans essayer de la convaincre, j’élargis l’espace en juxtaposant ma représentation à la sienne, pour qu’elle ait une image plus complète qui fera évoluer sa fonction personnalité. Il ne s’agit pas de la convaincre, ni d’attaquer la défense, ce qui créerait de la résistance, mais de faire alliance avec elle. Ce type de travail permet progressivement de décoller les étiquettes négatives.

    Elle met en place des projections qui entretiennent sa fonction personnalité. Elle projette que l’autre est mauvais, que l’environnement n’est pas accueillant ou bien le plus souvent qu’elle est la mauvaise. Pour rester dans un ajustement conservateur elle façonne les autres pour se sentir mauvaise. Quand on a ce type de croyance on ne peut que se battre ou s’écraser, elle, elle a choisi de se battre. Sa marque identitaire c’est la guerrière, elle fait comme si elle était toujours dans un univers de maltraitance. Elle a du mal à montrer ses parties douces et féminines et pourtant sa capacité à être douce existe. Pour élargir sa fonction personnalité on a beaucoup travaillé sur nos représentations respectives du féminin.

    « La régulation affective et la réparation du soi », Editions du CIG, Montréal, 2008 Remettre en route le processus développemental
    Quand je tente d’explorer tout ce qui lui a manqué elle a du mal à prendre cette piste, le risque de réveiller le manque semble bien présent. Quand un patient commence à recevoir du bon il contacte en même temps tout ce qui lui a manqué. C’est une expérience d’autant plus complexe que le bon ouvre sur de la souffrance. Quel est le danger à prendre du bon ? Devenir vulnérable ? Créer de la dépendance ? Du manque ? Si on fait des hypothèses à partir des théories de Mélanie Klein, ça pourrait activer de la rage, de l’envie et donc du clivage. Elle est plutôt dans la position schizo-paranoïde, tout mon travail est orienté à favoriser le passage à la position dépressive, où elle pourra se voir à la fois bonne et mauvaise. Peu à peu elle apprend à passer de la rage à l’agressivité saine, sans crainte de détruire l’autre ou d’être détruite. Même si elle voit bien ses parties négatives, elle est aussi de plus en plus en contact avec ses parties saines, et elle arrive à se vivre plus positivement.

    Conclusion

    J’ai beaucoup d’affection pour Flora, j’ai à cœur d’être pour elle le parent contenant et étayant qu’elle n’a pas eu mais je suis souvent renvoyée à ma propre construction narcissique et à mes propres fragilités dans ce domaine. Bien qu’elle ne soit pas attaquante sur le plan narcissique, elle pourrait me confronter à une forme d’impuissance là où elle est prise dans sa vision négative d’elle même. Elle me fait goûter par identification projective sa propre impuissance mais elle fait aussi l’expérience d’une présence dans l’impuissance, d’une présence qui ne s’effondre pas. Je suis là, je ne la lâche pas, je sais que quelque chose est possible. Je tiens quand elle ne peut pas tenir. Il est important d’avoir la foi face à certains patients comme Flora, de porter pour eux cette foi dans le changement et de soutenir la continuité de notre lien et des expériences passées là où ils ne peuvent pas le faire. Nos vulnérabilités sont aussi nos forces, c’est parce que j’ai déjà traversé toutes ces épreuves que je peux l’accompagner sur ce chemin.

    Le travail que nous avons fait ensemble et que nous continuons est un travail de consolidation identitaire. Elle sait mieux qui elle est, elle est moins dans la violence, a plus de recul et plus d’espace psychique. Elle est plus à même « d’organiser son expérience en terme de champ, de porter sur son expérience la conscience des interactions, de la relativité de la position personnelle, des interdépendances avec ce qui se passe dans l’environnement... plus à même de concevoir la vie en terme de complexité. La thérapie permet de remplacer du clivage par de la complexité ».

    Jean François Gravouil, « la réparation en psychothérapie, un paradoxe », actes de la journée d’études 2004, Champ G, Institut de Gestalt du Nord



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    Romaine Finzi