Pouvez vous nous expliquer en trois phrases le concept de Cocon 3S ?

Les cocon3s sont des groupes de vie de 4 à 8 personnes retraitées, seules ou en couples, formés par cooptation, qui s’organisent dans une grande habitation, soit co-louée, soit co-achetées, soit fournie par une collectivité, pour partager les projets, les coûts, « le meilleur et le pire » en toute solidarité. Ces habitations, privées, peuvent être totalement collectives (chacun a une chambre et une salle de bains autonome) ou semi collectives (chacun a un mini appartement). Un cocon3s n’implique pas du tout un éloignement de la famille de chacun mais un choix de vie personnelle autonome, à 65ans, 72 ans ou même 84 ans, qui peut fluidifier les relations avec les enfants en les déculpabilisant de ne pouvoir accueillir leur parent chez eux.

C’est un concept auquel on adhère, à la retraite, parce qu’il correspond à un souhait personnel devenu réalisable, de changer un mode de vie solitaire mal vécu, contre un mode de vie à plusieurs, convivial, sécurisant et solidaire, pour ne pas « attendre », « seul », la grande vieillesse et ses problèmes, pour ne pas tout attendre des enfants, pour se retrouver « en projet », donc « vivant » et sur une nouvelle trajectoire.

Peut on assimiler ce projet à de la colocation pour séniors ?

Cocon3s n’est pas dans un système commercial de développement d’un site de colocation senior, ce qui aurait pu être possible aussi, mais qui aurait eu du mal à fonctionner au vu des difficultés de chacun à sauter le pas. Puisqu’on n’est pas sur un choix provisoire comme chez les jeunes, il est plus important de ne pas se tromper dans les choix des personnes, des situations économiques, des modes de vie et de pensée, des valeurs communes.

Pensez vous que la compatibilité relationnelle de ces personnes ne soit pas difficile à mettre en place ? Les séniors ne sont ils pas plus exigeants ? Comment comptez vous évaluer les affinités pour la création d'un cocon ?

Là en effet est la difficulté ; Il y a des peurs exprimées de ne pas se supporter, de perdre son autonomie. Il n’y a aucun modèle de ce mode de vie entre seniors dans les générations passées. Le sentiment d’innover est séduisant mais fait peur à ceux, moins hardis que d’autres, qui n’ont rien risqué dans leur vie. Ces derniers entreront dans des cocon3s existants plus tard. Les pionniers seront les plus optimistes et confiants en leurs propres possibilités de gérer les choses au jour le jour.

L’association La Trame, avec ses psychologues et sociologues, aide à la constitution des groupes de vie en favorisant pour chaque groupe la mise à plat des envies, des besoins, des peurs de chacun, et en aidant à l’organisation concrète de la vie commune ou partiellement commune. Des outils favorisent le travail collectif. Des séminaires sont organisés pour préparer ces changements.

Pensez vous pouvoir relancer une réelle vie affective, voire amoureuse, à certaines personnes endeuillées ?

Je pense que des liens amicaux forts se créeront, dans les cocon3s, sur le long terme, une fois les engouements du départ dépassés et le besoin de contacts apaisé. Il faut arriver pour certains à apprivoiser le vide, le trou noir, une vacance qu’ils découvrent seulement quand la retraite arrive, ou après un deuil qui fait suite à une longue maladie, ou une séparation. Outre les thérapies individuelles souhaitables pour certains, les cocon3s peuvent, à leur façon, accompagner une phase d’apaisement et de reconstruction personnelle vers un avenir. Personne ne fait le deuil d’une vie amoureuse possible, et surtout pas les veufs, ai-je remarqué, comme si aucun autre modèle de vie n’existait. Les cocon3s n’excluent rien.

La présence de possibles maladies ou deuils au sein d'un cocon peut changer la donne dans l'équilibre de celui-ci. Pensez vous que le groupe soit plus fort face à ces fatalités ?

Je pense que la maladie, la dépendance et la mort sont toujours présents en toile de fond dans le choix de vivre en cocon3s. Tous affirment vouloir éviter à tous prix la maison de retraite et optent pour une fin de vie douce et entourée bien sûr, la famille n’étant pas exclue du dispositif. Ces situations sont souvent évoquées et préparent les groupes à la perte.

Avez vous songé à l'éventualité où les visites des familles puissent former en quelque sorte une "mégafamille" élargie ? Cette idée vous semble-t-elle saugrenue ?

Au contraire, je pense qu’un cocon3s qui fonctionne bien doit s’élargir tant à des apports extérieurs réguliers, qu’aux familles des membres, et ce concept de « mégafamille » est très salutaire.

Quel accueil avez vous reçu auprès des divers organismes, et en particulier des propriétaires fonciers et leurs agents ?

J’ai de plus en plus de conseils généraux et mairies qui me contactent pour mener à bien un projet local. Le fait que les cocon3s soient une réponse aux trop petites retraites et au coût exponentiel des loyers, les satisfait beaucoup. Le fait qu’ils pallient à l’extension des situations de solitude mal vécue et que par là ils puissent faire baisser les dépenses de santé notamment celles liées à la surconsommation d’antidépresseurs les intéresse aussi. Les propriétaires de grandes unités, qui ont souvent du mal à vendre ou à louer, proposent facilement leurs biens, très satisfaits en plus d’aider une population en besoin de logements et de confort.

D'une manière plus générale, trouvez-vous que le thème du vieillissement et de l'âge d'or soit suffisamment évoqué sous son aspect psychologique ? La plupart des souffrances psychologiques montrées du doigt par la société concernent souvent les actifs (stress, travail, couple) ou les adolescents ... La vieillesse fait encore peur ?

Le vieillissement en effet n’intéressent pas encore le monde des thérapeutes ni des théoriciens. Quand on arrive en retraite on découvre un état très nouveau fait de vacuité, d’absence de cadre, d’absence d’obligations autres que celles qu’on se donne. Ainsi c’est souvent la 1ère fois de notre vie qu’on peut choisir où on va résider ! D’où une absence de projet de vie encore plus visible et angoissante : Où serai-je « bien » ? Avec qui ? Pour quoi faire ? Beaucoup de jeunes retraités se « surbookent » soit avec les petits enfants soit avec les activités pour éviter ce vide. Les moins aisés ne peuvent éviter ce face à face. Beaucoup ont peur du vieillissement et de la dépendance avec un grand D comme déchéance. Les plus âgés, en dehors des grands dépressifs, sont les plus sereins et les plus réactifs car ils ont fait la part des choses et ont une conscience du temps qui passe, de l’urgence : ils connaissent leurs besoins actuels et futurs, des autres notamment, et sont les plus capables de choisir leur mode de vie. Ils savent aussi ce qu’ils peuvent attendre de leurs enfants, alors que les plus jeunes évitent la question.

Qu'est ce que Psychanalyse en Ligne peut apporter à Cocon 3 S ?

Je crois que votre site peut être un lieu d’expression personnelle des peurs et angoisses liées à des choix de changement de vie, de lieux. Un lien pour parler ses difficultés personnelles dans la vie collective par ex, ses histoires familiales.

Vous ne pouvez maintenant utiliser qu'un seul mot pour qualifier votre projet Cocon 3 S. Quel est ce mot ?

Optimiste

Plus d'informations sur www.cocon3s.fr