tabi — 07-10-2010 18:19

En venant parler de cette histoire, j'espère sincèrement ne pas être juger négativement car je me sens déjà très coupable et responsable de ce qui m'arrive.
J'ai vu les titres des autres sujets, et la gravité de mon histoire semble dérisoire.
Je compatis et apporte mon soutien aux autres membres qui vivent des moments difficiles à l'heure actuelle.

Voici mon récit:

Je venais de sortir d'une relation de 7 ans très compliquée, dont j'ai beaucoup souffert. Mais je m'étais convaincue que cela m'avait rendu plus forte.

Par une maladresse alcoolisée, je suis tombée enceinte d'un nouveau petit ami, mais quand je l'ai appris, je l'avais déjà quitté pour un autre. J'avais juste 25 ans.
Je ne voulais pas y croire, dans ma tête c'était impossible.
Depuis toujours, avoir un enfant était la plus belle chose au monde qui puisse m'arriver.
Mais pas comme ça, pas maintenant.
Je n'étais pas préparée. Je venais de sortir de 7 ans de souffrances et de chaos.
Je ne pouvais pas devenir mère d'un enfant qui aurait demandé de l'amour alors que moi, c'est ce que j'avais le plus grand besoin.

J'ai pris la décision d'avorter seule sans hésiter, et suis allée seule à la clinique.
Je me revois encore résignée et pleine de courage, allant même jusqu'à réconforter les autres patientes dans la salle de réveil.
Lorsque je me suis retrouvée toute seule sur mon lit d'hôpital, j'ai été prise d'une grosse crise de nerfs, mais j'essayais d'étouffer mes larmes car je ne comprenais pas pourquoi j'étais dans cet état.
Pendant une petite seconde, j'ai eu comme un flash dans ma tête, me disant "Tu viens de tuer ton propre enfant".
Mon corps s'est détendu alors, comme si je ne ressentais plus rien, mais mes larmes continuaient de couler. Je crois que c'est le moment où j'ai réalisé que j'avais été enceinte quelques heures auparavant.

Je suis célibataire depuis cette histoire et n'arrive pas à penser un avenir heureux quel qu'il  soit. Je reste bloquée, même professionnellement.
2010 est la 1ère année où ce souvenir est vécu comme une douleur (c'était presque juste un souvenir les autres années).
J'ai cru bien faire à cette époque, je n'ai même pas penser aux conséquences, qui me mènent aujourd'hui à regretter.
Je pleure et suis triste très souvent. Voire méchante avec mes proches. Je m'isole de mes amis.
Je suis même partie 1 an à l'étranger pour souffler mais suis revenue pareille, voire pire.
C'est comme si je ne croyais plus en une vie heureuse possible et refusais d'être heureuse.
Je culpabilise, je prends toute la faute sur moi, encore plus aujourd'hui qu'avant.
Je suis revenue vivre chez mes parents, mais je suis devenue très solitaire, car je ne veux pas partager cette souffrances avec qui que ce soit, même si elle me fait trop mal. Surtout pas avec mes proches... (culturellement parlant, chez nous (Asie), il n'est pas admit que l'on exprime ses sentiments à l'autre, c'est considéré comme une faiblesse et une gêne, et il ne fait pas embarrasser son interlocuteur.)

Je n'ai jamais vraiment parlé de cette histoire avec le père, car il ne l'a pas appris de ma bouche. Et je ne voulais pas l'impliquer car il était très fragile psychologiquement.
Après 4 ans, je ne sais pas si je devrais. Je ne voudrais pas lui gâcher la vie s'il a réussi à tourner la page.

Comment peut-on faire ce deuil?
Comment arrive-t-on à se relever quand on a pris la décision de mettre fin à la plus belle chose qui pouvait nous arriver? Quand le temps n'arrive pas à faire une partie du boulot...

J'espère pouvoir recevoir votre aide et votre compréhension.
Merci d'avance.

tabi

georgesN — 08-10-2010 09:06

"la gravité de mon histoire semble dérisoire"
sachez qu'il n'y a pas "d'échelle de la souffrance" et que la vôtre est aussi respectable qu'une autre.
Cet évènement de votre vie domine votre passé, c'est normal; mais il existe des liens invisibles avec d'autres événements vécus, d'autres émotions, d'autres éprouvés qui éclaireraient votre souffrance. Ce serait le travail que vous pourriez accomplir en vous lançant dans un travail analytique: un psy est une personne qui vous aiderait à faire ces liens et à comprendre par exemple vos rapports avec la honte, avec la culpabilité. Votre démarche ici est un premier pas. Aurez-vous le cran d'en faire d'autres?

tabi — 12-10-2010 16:23

Merci sincèrement d'avoir pris le temps de me répondre.

J'ai lu votre réponse lorsque vous l'avez posté... et il me travaille depuis.
Vous parliez de "liens invisibles avec d'autres événements vécus, d'autres émotions, d'autres éprouvés qui éclaireraient (ma) souffrance".
Instinctivement, j'ai essayé de trouver des réponses ou des pistes qui auraient pu m'éclairer.
J'ai toujours cru pouvoir régler mes problèmes seule, même si je sais qu'à ce stade, j'ai besoin d'aide.
Aujourd'hui, je pense que ce qui s'est passé il y a 4 ans a déclenché quelque chose de fort et de persistent.
Et je ne sais pas si c'est le cran qui pourrait m'aider à faire d'autres pas.
Pour parler franchement, j'angoisse à l'idée d'en savoir plus sur moi.
Rien que le fait d'avoir pris cette décision d'avorter sans hésitation m'effraie aujourd'hui, et je ne me sens pas assez forte pour apprendre des choses qui pourraient être pire.
Et pourtant, j'ai envie de retrouver goût à la vie...

georgesN — 13-10-2010 08:36

"apprendre des choses qui pourraient être pire"
l'angoisse est une peur d'une chose inconnue; c'est pour ça qu'elle est très difficile à surmonter; par contre, un réel effrayant ne génère pas d'angoisse mais de la peur; et la peur, elle, peut être surmontée.
Vous comprenez que vous n'avez pas de raison de redouter une thérapie: au lieu d'avoir des "fantômes" qui vous hantent, vous verrez de plus en plus clair et vous irez mieux et votre mésaventure prendra une place raisonnable dans votre histoire de vie.