fabienpsy — 12-01-2008 08:05

Bonjour,
Je travaille actuellement auprès d'un jeune adulte atteint d'autisme infantile et qui présente, entre autres, un trouble qui s'appelle la textilophagie (il déchire et ingère ses vêtements).
C'est une personne qui présente une défaillance de l'enveloppe (comme Didier Anzieu a pu l'évoquer dans son ouvrage sur le "Moi-peau") et une attitude symbiotique.
Malgré mes recherches (F. Tustin, D. Meltzer, C. Morelle, M. Klein ...), je constate qu'il n'existe apparement que très peu d'écrits sur ce sujet précis.
Merci à ceux qui pourraient éclairer ma lanterne en me proposant des références, en me faisant part de leurs expériences et connaissances tant sur les étiologies que sur les traitements de ce symptôme.
Fabienpsy.

Thérapeute — 12-01-2008 10:29

Bonjour Fabienpsy et bienvenu,
le seul cas similaire dont j'ai entendu parlé à ce jour concernait un garçon de 7 ans, c'est la mère qui était en consultation, l'état de son enfant (autiste également) l'avait rendu très dépressive et elle consultait pour ne pas sombrer.
Donc il avait été identifié par un pédopsy de Laennec (hopital parisien) que le comportement de déchirer et mettre à sa bouche  de l'enfant remontait à sa naissance, placé en couveuse, mais mal langé par une infirmière, générant apparament une focalisation sur tout type de sous vetements ou vetements entourant la taille , il ne touchait qu'aux vétements dans cette zone..  je ne sais si cela a un lien et peut vous aider.
L'identification avait été possible au travers des récits de la mère et de l'idée du pédopsy de donner un baigneur nu et des couches à l'enfant pendant une séance, je ne me rappelle plus très bien mais c'est le comportement de l'enfant qui avait permis cette identification..
bonne journée
p.s: sans mauvais humour les seules définitions précises que vous trouverez sur la textilophagie se trouveront hélas  que dans des articles vétérinaires! Consacrés aux rongeurs et surtout aux furets..  il n'y a pas un mot (ou je l'ai loupé!)dans le DSM IV ou le CIM 10

Christelle Moreau — 12-01-2008 11:33

Bonjour Fabienpsy et bienvenue,

je n'avais jamais entendu ce terme, par contre, fort de mon expérience, j'ai bel et bien rencontré ce syndrome.

R... autiste en Mas âgé de 21 ans s'enfermait dans les toilettes pour s'essuyer l'anus inlassablement et cela jusqu'au sang, il déchirait les rouleaux de papier en des centaines de milliers de petits bouts et parfois les ingérait.
Les étiquettes des vêtements lui posaientt fortement des problèmes, il les arrachait et ne supportait pas du tout la vue d'un fil mal cousu et pendouillant. Bien sur, si R... était laissé de côté plus de 3 minutes dans le groupe, alors il arrachait ses boutons et du coup générait des fils qui le faisaient rentrer dans une phase de régression totale, où il se recroquevillait sur lui-même comme un nourrisson en hurlant.

Ce que je peux en dire :
R... comme le cas présenté par ABD avait une histoire et c'est de cette histoire que découlait cette obsession pour les ficelles et autres bout de tissus pendouillants. Pour son cas, le trauma remontait au stade sadique anal.

Mais cela ne permet en aucun cas de tirer des justement "des ficelles" et autres ponts.
Aux plaisirs.

fabienpsy — 12-01-2008 12:13

Merci à vous pour vos messages.
Il n'est pas aisé de pouvoir s'entretenir avec la mère - elle-même hospitalisée en psychiatrie depuis plusieurs années - et les éléments dont je dispose sur le "roman familial" sont tenus.
Ok pour l'allusion aux rongeurs !
Je suis porté à penser qu'il peut, en effet, y avoir un lien avec la notion d'arrachement et peut-être une problématique sadique sous-jacente ainsi qu'une "non suffisament bonne" intégration des limites dedans/dehors.
Mon action se situe actuellement sur des enveloppements et des stimulations basales vibratoires et musculaires auxquelles s'associent le discours.

Thérapeute — 12-01-2008 12:42

c'est à dire ?

Christelle Moreau — 12-01-2008 15:49

Au stade foetal, le bébé est en communication avec la mère, il entend sa voix, c'est pourquoi une futur maman qui chante des chansons à... son "ventre" : c'est vraiment bien.

Le bébé perçoit ses battements du coeur qui lui donnent des informations sur l'activité de sa mère, il capte aussi la voix de son père au lointain , les bruits d'eau qui ruissellent sur son ventre lors de sa toilette, les différentes mains et pressions apposées sur son ventre, etc...

Ces perceptions sont externes, car le bébé est encore à l'intérieur du ventre de sa mère et les vit uniquement comme des informations, car ce n'est pas lui qui les génère.

Lorsqu'il sera bébé et qu'à son tour il gagnera en autonomie , en proprioception, alors il intègrera les autres, totalement différentes que sont la résistance, l'apesanteur, le poids. Cette fois, ces notions lui seront transmisent de l'intérieure de son corps, par ses actions biomécaniques et physiologiques et non plus par sa peau...

Les kinésithérapeutes utilisent les stimulations afin de recréer ce stade et à des fins thérapeutique, en effet, l'enfant ou l'adulte en contact avec des stimulations vibratoires simulées est re-stimulées et rentre dans son premier mode de communication, de celui, par exemple,  qu'il avait avec sa mère lorsqu'elle se mettait par exemple à chanter alors qu'il était dans son ventre.
Apparté :
L'Haptonomie est une des stimulations que l'on peut réaliser pendant la grossesse et on observe aisément l'enfant se calmer, s'agiter, s'endormir, ou répondre en se rapprochant de l'endroit ou se déposent les caresses de la mère à son ventre.

Dans une autre pratique , les stimulations vibratoires  servent aussi à faire comprendre et à assimiler les différentes résistances que l'on découvre au stade de l'acquisition de la marche, et dont je faisais mention plus haut, à savoir : l'apesanteur...

Pour un enfant autiste et souffrant de cette douleur d'être obligé , en quelques sortes d'être recouvert d'une autre paroie que sa peau, cette méthode peut effectivement, peut être , l'aider à comprendre les différentes valeurs de perceptions de son environnement jusqu'à ce qu'il décide de les accepter.

Mais ces techniques ont elles fait leur preuve et dans quel cadre les utilisez vous ?

Personnellement , et en partant de votre idée (c'est à dire d'utiliser des stimulus extérieurs pour faire appel à son intégration extérieurs des stimulus non commandés ) j'aurais peut-être commencé par des stimulations somatiques et donc "non vibratoires" afin de faire appel cette fois ci à l'ensemble du corps cutané et musculaire.

Car ce patient ne touche pas à son enveloppe corporelle lorsqu'il "s'en prend" au tissu, mais bel et bien à ce qui l'empêche de se rencontrer lui même.

Peut-être que le "peau à peau" par exemple , lui permettrait d'éviter ce "manque en lui" et peut être "de lui", en lui redonnant une conscience positive de son propre corps, avec sa propre individualité, non ?

Bon c'est une idée... Et ma dé"duction vient de cette pensée :

Pour moi, l'image du tissu, si l'on retourne à l'image foetal, pourrait être une barrière qui se placerait entre la mère et son enfant.

Merci de rectifier si mes souvenirs ne sont pas très exact et si mon raisonnement ne vous a pas semblé correcte.

pour avoir une petite idée du concept de snoezelen , il y a même un site http://www.snoezelen.fr/index.html

fabienpsy — 13-01-2008 08:31

Oui, votre idée me semble en adéquation avec sa problématique.
J'utilise, sur mon lieu de travail, le concept snoezelen ainsi que la mise en place d'une cure de packs (enveloppements humides thérapeutiques - cf les travaux de Thierry Alberne et de Delion).
Il est à noter, en outre, qu'il lui arrive parfois de se recouvrir avec ses fécès.
Il recherche le contact dans des jeux de tirer-repousser. Il se montre très présent et attentif aux discours des soignants lors des séances.
Je vous remercie pour votre aide.