Bonjour


je suis une femme de 30 ans. Je fais une analyse depuis plusieurs années. Au cours de la thérapie j'en suis venue à exprimer avoir été victime d'abus sexuels de la part de mon père.
Je vis cela comme un traumatisme obsédant, j'y pense tous les jours et j'éprouve une immense colère indicible que je finis par diriger contre moi.
Je ne peux pas en parler avec ma famille, ma mère est dépressive et mes frères et soeurs vivent tous dans le mal être.
J'en parle avec mon fiancé mais il me dit qu'il n'arrive pas à le gérer, qu'il croyait que oui mais qu'il se rend compte avec les années que ça le dépasse. Il dit également que toutes manières il n'est pas mon docteur et qu'il n'y a pas entre nous de contrat où il aurait des comptes à me rendre.
Il sort tout le temps et rentre au petit matin pendant que moi je déprime et revis sans cesse cet état qui me ramène aux abus sexuels sur mon corps.
Je n'ai pas d'amis, pas de vie sociale, plus de travail et plus d'ambitions. Chaque jour ma vie diminue au profit d'un mal être qui va grandissant. Je me sens seule avec tous ces souvenirs, et je ne parviens pas à cesser d'y penser

En ce qui concerne les actes sexuels je peux dire que je ne me souviens de rien, rien de réel du point de vue des actes, je me souviens des sensations que j'éprouvais à ce moment là, de la paralysie, de la douleur, du sang, du temps suspendu, de la rupture avec l'espace etc. Mais je suis incapable de me souvenir de la scène.
Ceci signifie que du point de vue de la loi je n'ai absolument aucune preuve qui stipule que oui j'ai été violée par mon père (pourtant décédé depuis plusieurs années).

Je sais qu'il existe un mécanisme appelé le "refoulement", mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi je ne me souviens pas?? Ne pas se souvenir c'est comme si dans le fond ça ne s'était pas passé et que l'évènement n'existait que sous des formes psychiques.

S'il vous plaît pourriez-vous me dire pourquoi je ne me souviens toujours pas et comment je pourrais faire pour aller de l'avant??

Merci de votre aide

vous avez à juste titre évoqué la question du refoulement. Il est lié à deux choses: l'idée de l'inceste est insupportable et l'enfant a bien conscience d'une transgression majeure; de plus l'âge où ça s'est produit est une période d'amnésie pour tout le monde. A ces deux points s'ajoute un troisième: la petite victime se coupe psychiquement de son corps pendant le viol; elle se met en absence et son corps est étranger. Ce qui vous empêche de vous le réapproprier aujourd'hui, de récupérer ces sensations qui se sont enregistrées quelque part dans votre psyché.
Ceci dit, ce serait une quête vaine que de rechercher souvenirs, images ou sensations.

Bonjour

Merci de m'avoir répondu.

Vous dîtes que c'est une quête vaine de rechercher les souvenirs ou les sensations. Je me suis toujours dit que leur réintégration dans le présent est une étape nécessaire à ma reconstruction. La hantise du souvenir pèse sur moi comme une épée de damoclès, je sais que la remémoration des faits serait une épreuve terrible mais une fois qu'elle aura eu lieu je cesserai d'en avoir peur. Je vis comme avec des pièces manquantes, des pièces douloureuses qui sont en suspens et je passe le plus clair de mon temps à les approcher et les fuir aussitôt.

Pensez vous comme moi qu'il soit nécessaire de se souvenir d'un évènement traumatisant pour aller mieux (il cesserait d'être dans l'inconscient et de me tourmenter sous forme de symptômes)?

Merci