Quel silence ? Une topologie du silence

Dans la pratique d'art-thérapie nous faisons l'expérience du silence.

Il ne s'agit pas de bavarder ou de remplir une suspension du corps et du temps du patient.

Ceci nous le savons et le travail thérapeutique s'articule autour et par ce silence

Nous pouvons analyser ce silence comme un vide, un rien, qui est au moins, durant l'acte thérapeutique, sont à disposition des acteurs de celui-ci.

Il y a une topologie du silence. Non une topologie horizontale mais topologie verticale. Une topologie de l'épaisseur et des silences comme pans de résistance.

Peindre, modeler, fabriquer, engagent pour l'artiste une élaboration presque architecturale de l'image. D'une nécessité de l'Å“uvre à sa réalisation, des pans de savoirs et des pans de laisser faire s'invitent dans le processus artistique. L'oeuvre d'art s'invente un fond, puis en élabore dans un discours ou une maïeutique une construction, ceci quelque soit la forme d'art, puis en propose un langage comme lien ou interrogation au monde.

Dans le cas de l'art-thérapie, il en est autrement ; le socle n'existe pas ou est profondément voilé, voire du domaine de l'angoisse et de l'impossible. Le patient en début de thérapie met littéralement tout sur le papier. Il n'y a pas de fond, l'image fait uniquement surface. Pas de profondeur, tout est là .
le « qui-suis-je » s'expose ou « s'explose », et le silence attenant insiste sur cette question évidemment en son début sans réponse valable. L'art-thérapeute n'a pas la réponse, il accueille ce questionnement dans un silence de réception. Et cette réception silencieuse, fait parole, mot, résonnance, presque habitat (proto-épaisseur).

Par la suite, les travaux de peinture ou de modelage vont explorer d'autres niveaux ou strates de silence. Les strates de corps, de souvenirs, d'oublis, de nature (lieux d'enfance par exemple), de désir, de ratages, de suspension de temps, de vitesse, de relation aux autres, etc.
A chaque strate, un silence vient souligner ou certifier l'interrogation apparue.

L'art-thérapie n'est point là pour faire du silence une forme totémique, mais à chaque strate en considérer celui-ci comme nécessité de forme corporelle et psychique.

Le silence accompagnant le jet du premier travail, « qui-suis-je ou pourquoi suis-je », se décline au fur et à mesure de la thérapie en valeurs de silences, en pans de résistance. Le silence du fond, le silence du souvenir, le silence du corps, etc.

En tant qu'art-thérapeute il nous faut saisir ces différents silences, qui, s'ils font partie d'un tout de l'autre, en expriment le stature de l'autre, c'est-à -dire en exprime la forme/corps (volume) de l'autre.

L'autre, nous, avons une épaisseur et l'artiste ou l'humain peut explorer cette épaisseur pour en exprimer, à son désir, la strate qu'il veut (re)présenter. Le travail thérapeutique sera de (re)structurer (épaisseur, silences et pans de résistance) le patient afin qu'il découvre les pans possibles sur lesquels il peut s'appuyer, afin de fantasmer ou vivre son corps et sa psyché sans « tout » mettre absolument sur une seule surface comme essai toujours vain de certitude absolue.

Olivier Saint Pierre ©

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par Olivier Saint Pierre

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